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LETTRE XIII

Durant son absence, le philosophe ne perdit pas tout contact avec son illustre, mais trop peu docile disciple : la 13e lettre témoigne de la nature de ces relations.


Le sujet.

Platon se montre ici sous un jour très particulier. Il se fait en Grèce l’intendant de Denys et la lettre est presque entièrement une lettre d’affaires : envoi d’ouvrages philosophiques, d’œuvres d’art, de cruches de vin et de plantes… En même temps, le philosophe avertit sagement le prince des dépenses qu’il croit devoir faire pour lui à Athènes ; il lui donne des conseils d’ordre et d’exactitude dans ses comptes. Et, chose assez surprenante, Platon n’hésite pas à puiser dans la bourse de son correspondant pour ses propres besoins, avec discrétion, sans doute, mais en toute simplicité et liberté. Un passage curieux ferait même penser qu’il prend plus à cœur les intérêts du tyran que ceux de Dion : on dirait qu’il se fait son complice en s’entremettant au sujet d’un projet mystérieux dont la lettre parle à mots couverts (362 e). D’après Plutarque, Denys aurait eu l’intention de donner en mariage à un de ses amis, Timocrate, la femme de Dion, intention que de fait il réalisa plus tard[1]. — Enfin, Platon révèle à son correspondant le signe qui distingue ses lettres sérieuses de celles qui ne le sont pas : les premières commencent par la formule « Dieu ! » les autres par « les dieux ».

Bref, toute cette épître, très différente par la manière et le ton de celles qui précèdent, manifeste entre Platon et Denys une intimité, une familiarité, presque une complicité, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.


L’authenticité.

La 13e lettre est une de celles dont l’authenticité reste le plus âprement discutée. Déjà au temps de la Renaissance, un doute s’élevait contre elle, suffisamment sérieux, d’ailleurs, pour détourner Ficin d’en donner une version. Au xviie siècle, Cudworth, nous l’avons dit, la regardait comme très tardive et l’attribuait à un chrétien, à cause de la distinction entre Dieu et les dieux. Bentley, au contraire, insistait sur les indices sérieux ; il tâchait de montrer que cette lettre était exempte des impré-

  1. Dion, c. 21.