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NOTICES

de route, mais sans qu’il y ait heurt entre les idées, sans brusque déviation de l’esprit, on est amené à la discussion essentielle. Que l’on songe à la dialectique de l’être dans le Sophiste ou à la digression sur la mesure dans le Politique. Un procédé semblable est mis en œuvre dans la 7e lettre. Une première lecture pourra laisser l’impression de désordre. Qu’on y prenne garde cependant, et l’on se rendra compte combien il serait difficile, sans nuire à l’ensemble du développement, de supprimer, comme redondant, tel ou tel paragraphe. Taylor l’a excellemment montré à propos du fragment sur l’ἐπιστήμη[1], et nous pouvons en faire autant pour ce qui concerne le récit de la mort de Dion, ou les réflexions sur l’immortalité (335 a). Ces passages se relient intimement au corps de la narration, au contexte qui les encadre, et semblent même exigés par le mouvement de la pensée. L’histoire de l’assassinat de Dion, si curieusement insérée au milieu des conseils donnés à Denys, devait être racontée précisément à cet endroit : n’était-elle pas la conséquence immédiate de l’attitude déloyale de Denys, de son inaptitude morale à subir l’influence de la philosophie et des catastrophes provoquées par une passion indomptée ? Platon voulait peut-être rappeler ce fait pour dégager sa responsabilité personnelle et détourner de sa patrie toute accusation de perfidie. On avouera pourtant que le morceau ne manque ici ni de naturel, ni d’à-propos. Quant à la digression sur l’immortalité, elle fait partie intégrante des leçons que le philosophe ne cessait de faire entendre à ses auditeurs siciliens et qu’il répète à ses correspondants, elle confirme, comme dans les Dialogues, un des principes fondamentaux de la morale platonicienne ici développé : « regardons comme un moindre mal d’être victimes de grands crimes ou de grandes injustices que de les commettre ».

En somme, la composition de la lettre n’est guère différente de celle des Dialogues. À elle également pourra s’appliquer dans une certaine mesure le jugement porté par A. Croiset dans son Histoire de la Littérature grecque : « Soit que le dialogue débute par une introduction distincte

  1. Mind, Analysis of Ἐπιστήμη in Plato’s seventh Epistle, July, 1912, pp. 347-370.