Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xlii
NOTICES

de Sicile. La partie parénétique de la lettre, malgré les affirmations contraires, n’est qu’un prétexte qui permet à Platon de répondre aux critiques suscitées sans doute par les événements récents. Les tragiques bouleversements de Syracuse ne pouvaient manquer de donner lieu aux commentaires les plus divers. Comme on avait jadis rendu Socrate responsable des funestes entreprises de ses disciples, Alcibiade ou Critias, n’était-il pas naturel qu’on en vînt à suspecter les efforts de Platon pour gagner Denys et qu’on regardât le philosophe soit comme un ambitieux et un flatteur, soit comme un idéologue dont les rêveries venaient d’être balayées par les dures leçons de l’expérience ? De leur côté, les partisans de Dion ne gardaient-ils pas quelque rancune contre celui qui avait séduit l’esprit de leur chef et peut-être engagé involontairement les choses dans ce réseau de difficultés où Dion avait trouvé la mort ? De plus, les auteurs du crime n’étaient-ils pas des Athéniens, n’avaient-ils pas des attaches avec l’Académie ? Platon devait à l’honneur et à l’avenir de son école, au bon renom de sa patrie, à la destinée même de ses plus chères doctrines, de justifier sa conduite. Tel est le sens de la 7e lettre. Tout l’intérêt du drame se concentre sur trois personnages : Platon, Denys, Dion. Les événements extérieurs sont peu de chose comparés au ressort interne qui les provoque, je veux dire à ce jeu des passions humaines analysées ici avec un art et une finesse de psychologue qui rappelle la République, avec une expression de vérité dont seul est capable celui qui décrit ce qu’il a vu ou éprouvé. La jalouse vanité de Denys, sa sotte prétention, l’inconstance de son caractère ; le zèle austère, la nature loyale de Dion, la prudente modération de Platon, dominent l’ensemble des péripéties se déroulant à travers les trois actes que sont les trois voyages en Sicile. L’impression qui se dégage de cet ensemble est la suivante : la philosophie, comme l’Académie et son chef, sortent indemnes de cette série d’événements. On ne doit nullement les rendre responsables de ce qui s’est produit. S’il y eut d’autre faute que celle du grand coupable qui est Denys, peut-être faudrait-il accuser l’âpreté un peu excessive des partisans de Dion et leur trop grande confiance dans les bonnes dispositions du tyran. Quant à Athènes, on ne songera évidemment pas à la charger du crime de deux mauvais Athéniens : ils comptent si peu ! On se souviendra, au