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LETTRE VII

historique, moitié romanesque, dans un but apologétique. Nous devons donc examiner les objections les plus sérieuses apportées par Karsten et constamment répétées après lui. Elles se ramènent à trois chefs : 1o la forme et la composition de la lettre ; 2o les difficultés historiques ; 3o le passage concernant la philosophie de Platon. Cet examen permettra du reste de mieux comprendre le sens et la portée de ce document capital.


Forme et composition de la lettre.

Avant d’aborder directement la difficulté, qu’on nous permette de déterminer le caractère de la lettre. Devons-nous y voir vraiment la réponse à une demande réelle des correspondants qui ont appelé à leur aide l’ami et le conseiller de Dion ? Pas nécessairement. Nous pouvons avoir affaire à une rédaction littéraire et, dès lors, il faudra tenir compte du genre et des procédés habituels. Or, une étude attentive du long récit nous amène à la conclusion suivante : l’auteur a choisi une forme propre à développer des idées qu’il avait à cœur de faire connaître, et qui lui permettait d’atteindre plus sûrement un grand nombre de lecteurs. De nos jours, cette épître aurait figuré dans nos journaux ou nos revues sous la rubrique « lettre ouverte ». Les anciens, du reste, ne s’y sont pas trompés. Quand Denys d’Halicarnasse qualifie de harangue (δημηγορίας) les lettres platoniciennes[1] ; quand l’auteur du περὶ ἑρμηνείας qui emprunte le nom de Démétrius les appelle « de vrais traités ayant en exergue le χαίρειν de convention[2] », ils pensaient tous deux évidemment à celle dont nous nous occupons. L’intention de l’écrivain ne peut ici faire de doute. La façon même dont il introduit son exposé montre son désir d’atteindre un public plus large que les parents et amis de Dion : « Cela vaut la peine, dit-il, d’être connu des jeunes et des vieux » (324 b). C’est pourquoi il s’adressera à tous.

Quel est son but ? Apparemment, apporter des conseils politiques à des amis qui se trouvent engagés dans la situation la plus critique et la plus embrouillée ; en réalité, légitimer sa conduite et sa manière d’agir dans toutes les affaires

  1. De adm. ui dicendi in Demosth., 23.
  2. Hercher, p. 13, no 6.