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LETTRE VIII

coupables dans l’état préent des choses ? Si vous pouviez facilement vous soustraire à eux sans grands dangers et sans efforts, ou s’ils pouvaient, de leur côté, reprendre aisément l’autorité, ce ne serait plus le cas de vous donner les conseils que je veux vous suggérer. Il faut pour le moment que, des deux côtés, vous ayez bien présent à l’esprit d et vous souveniez combien de fois, les uns et les autres, vous avez eu l’espoir dans chaque occasion de vous voir séparés du succès total par un rien, et ce rien cependant a toujours été la cause de maux immenses et sans nombre ; on n’en voit jamais la fin, mais continuellement ce qui paraît être le terme d’une ancienne difficulté se soude à la naissance d’une nouvelle, et sous le poids de cette chaîne risque de s’effondrer aussi bien le parti tyrannique tout entier que e le parti démocratique. Alors, si du moins se produit cette chose horrible, mais trop vraisemblable, ce sera la mort de la langue grecque pour toute la Sicile tombée sous quelque pouvoir et domination de Phéniciens ou d’Osques[1]. Contre cette éventualité, tous les Grecs doivent donc avec toute leur énergie chercher un remède. Or, si quelqu’un en sait de plus efficace et de meilleur que le mien, dont je vais vous entretenir, qu’il le propose : 354 il méritera à bon droit le titre d’ami des Grecs.


Conseil de Platon.

Mon avis à moi présentement, j’essaierai de vous le donner en toute franchise en usant d’un raisonnement juste et impartial. Je parle, pour ainsi dire, en arbitre qui s’adresse aux deux partis[2], à celui qui a exercé la tyrannie et à celui qui l’a subie, et à chacun d’eux comme s’il était seul, j’apporte mon conseil qui n’est pas nouveau. Tout d’abord, pour ma part du moins, j’engagerais tout tyran à éviter le nom et la chose et à transformer, si possible, son pouvoir en royauté. b Or, c’est possible, comme l’a montré en fait le sage et vertueux Lycurgue : il vit que ses parents à Argos et à Messine étaient parvenus de la royauté

  1. S’agit-il des Romains, comme le prétend Niebuhr ? Il semble que ce soit encore trop tôt, on pourrait songer plus volontiers aux Samnites.
  2. Allusion au rôle du διαιτητής dans le droit athénien. L’arbitre formule les décisions transactionnelles entre deux parties (cf. Aristote, Constitut. des Athén. LIII, 2-6).