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LETTRE VII

et qui mettant ensuite à mort b ceux qui possèdent, appelés par lui du nom d’ennemis, dilapide leur fortune et encourage ses auxiliaires et ses complices, pour qu’aucun d’eux ne vienne lui reprocher sa pauvreté. Tel n’est pas non plus le cas de celui qu’une cité honore comme son bienfaiteur, pour avoir, par décrets, distribué à la masse les biens de quelques-uns, ni de celui qui, à la tête d’une ville importante, présidant elle-même à un certain nombre de villes moins considérables, attribue à la sienne les biens des cités plus petites, au mépris de toute justice. c Car ce n’est certes pas Dion ni tout autre qui accepterait, de propos délibéré, un pouvoir éternellement funeste à lui-même et à sa race, mais il rechercherait plutôt une constitution et une législation vraiment juste et bonne qui s’impose sans le moindre meurtre, sans le moindre exil. Dion, suivant cette ligne de conduite, a préféré subir des injustices que d’en commettre, prenant toutefois ses précautions pour éviter d’en être victime[1]. Il a pourtant succombé au moment d’atteindre son but, la victoire sur ses ennemis. Son sort n’a rien de surprenant. d Un homme juste, avisé et réfléchi, ne peut jamais se méprendre complètement sur le caractère des hommes injustes, mais il n’y a rien d’étonnant qu’il subisse le destin de l’habile pilote qui n’ignore pas absolument la menace d’une tempête, mais ne peut prévoir sa violence extraordinaire et inattendue et doit être forcément submergé. Voilà bien aussi ce qui a un peu trompé Dion. La malice de ceux qui l’ont perdu ne lui échappait certes pas, mais la profondeur e de leur sottise, de toute leur méchanceté et de leur convoitise, c’est ce qu’il ne pouvait soupçonner. Cette erreur l’a

    pouvait très bien venir à l’esprit d’Aristoxène de comparer également les aventures de Platon à celles d’Ulysse.

  1. Dans cette page nerveuse, très condensée et même un peu chaotique, on reconnaît les portraits de l’oligarque ou du tyran, tels que les décrivait le Livre VIII de la République. Les lecteurs ne s’y méprenaient pas et songeaient évidemment à Denys. — À ces types de l’injustice, Platon oppose le caractère du sage, cette fois personnifié en Dion, et, tout comme dans le dialogue, la thèse du bien moral et du droit se résume dans la formule qu’il est préférable de subir l’injustice que de la commettre. Mais l’expression provocante de certaines pages de la République s’atténue dans la Lettre et rappelle plutôt les développements des Lois. On peut comparer, par

(Je rajoute la référence 351 b, oubliée en marge.)