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LETTRE VII

vaincre par moi de venir maintenant en Sicile, tout d’abord les affaires de Dion se régleront selon tes vœux (tu n’en feras, je le sais bien que de raisonnables, et je m’y prêterai). Sinon, aucune des choses relatives à Dion, à ses affaires ou à sa personne, ne s’arrangera à ton gré ». Telles étaient ses expressions. Il serait trop long et hors de propos de citer le reste. D’autres lettres d me parvenaient également d’Archytas et des Tarentins, faisant grand éloge de la philosophie de Denys, et ajoutant que si je n’arrivais pas maintenant, ce serait la complète rupture de leurs liens d’amitié avec Denys, liens dont j’avais été l’artisan, et qui n’étaient pas d’une médiocre importance pour la politique. Voilà donc quels appels on m’adressait : les amis de Sicile et d’Italie me tiraient à eux, ceux d’Athènes me poussaient littéralement dehors avec leurs supplications et toujours e le même refrain : il ne faut pas trahir Dion, ni les hôtes et les amis de Tarente. Moi-même, je réfléchissais qu’il n’y a rien de surprenant qu’un jeune homme bien doué, entendant parler de sujets élevés, se sente pris d’un bel amour pour la vie parfaite. Il fallait donc vérifier soigneusement ce qui en était, ne pas me dérober et ne pas assumer la responsabilité d’une telle offense, car c’en serait effectivement une, si 340 on avait bien dit la vérité. Je partis, me fermant les yeux par ce raisonnement. J’avais beaucoup d’appréhensions et les présages ne paraissaient guère favorables. Je vins donc, — et à Zeus Sauveur je dois la troisième coupe, en cela du moins je réussis[1], — car je fus encore heureusement sauvé et, après le dieu,

    le philosophe. D’après l’historien, Denys s’était formé une petite cour de philosophes avec lesquels il discutait. Mais prenant bientôt conscience de sa maladresse, il crut que les conseils et les leçons de Platon le rendraient plus apte à la dialectique. Telles furent les raisons de ses démarches pour attirer le philosophe. Il employa tous les moyens, promesses et même menaces voilées ; il mit à contribution non seulement des disciples ou amis de Platon, mais encore des femmes, comme l’épouse et la sœur de Dion.

  1. Cf. 334 d. — Le seul succès que peut mentionner Platon, c’est d’être rentré sain et sauf de cette malheureuse expédition. Nous avons essayé de traduire ce rapprochement voulu des deux mots σωτῆρι et ἐσώθην. — La concision de la phrase grecque rend le sens peu clair. « À Zeus Sauveur, écrit Platon, je dois bien la troisième coupe, car du moins le salut s’est vraiment réalisé une fois encore pour moi, si je n’ai pas obtenu d’autre résultat. »