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NOTICE GÉNÉRALE

çait à savoir avec quelle habileté les faussaires, pour des motifs très divers, vanité artistique ou appât du gain, avaient glissé parmi des œuvres connues un certain nombre de lettres, ou même avaient constitué de toutes pièces une correspondance complète. Bentley, le premier, ouvrait la voie à la critique par son étude définitive des lettres de Phalaris (1697), et sa perspicacité découvrait la supercherie du sophiste qui avait si maladroitement revêtu le personnage du tyran agrigentin. Et pourtant Bentley, comparant à ces exercices de rhéteur les lettres platoniciennes, n’hésitait pas à déclarer celles-ci authentiques, même la 13e, qu’il défendit avec une particulière énergie.

Mais en 1783, Meiners attirait l’attention sur des traits qui semblaient en contradiction avec l’âge ou le caractère de Platon, et, pour ce motif, rayait du catalogue platonicien la collection entière[1]. C’était la première fois qu’une condamnation aussi absolue était prononcée. Aussi souleva-t-elle des protestations. Des historiens de la philosophie, Tennemann[2] surtout et Tiedemann, s’appliquaient à répondre aux arguments de Meiners, mais leurs réponses médiocres ne suffisaient pas à rétablir la confiance ébranlée. Du reste, c’était à peu près l’époque où Schleiermacher allait agiter « la question platonicienne » et, à sa suite, les critiques devaient exercer leur ingéniosité sur l’œuvre entière du philosophe athénien. Je n’ai pas à rappeler ici toutes les étapes de cette brillante période, plus brillante que féconde, où l’on voyait, les uns après les autres, les Dialogues s’effondrer comme des châteaux de cartes, par le fait de méthodes souvent fort arbitraires et qui favorisaient les résultats les plus opposés et les plus inattendus. J’en retiens uniquement ce qui concerne l’histoire des Lettres. Ces dernières ne pouvaient évidemment pas échapper au jeu de massacre. Ast[3] les jugeait toutes

  1. Meiners, Judicium de quibusdam socraticorum reliquiis (Abh. d. Gött. Gel. Ges. V, p. 51 sqq.).
  2. Tennemann, System der Platonischen Philosophie, 1792, I, p. 106-111.
  3. Ast, Platons Leben und Schriften, 1816, p. 504-530.