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LETTRE VII

l’accessoire de mon récit ne devienne point le principal[1]. Voici donc ce que j’ai à dire.

Le conseiller d’un homme malade, si ce malade suit un mauvais régime, d n’a-t-il pas comme premier devoir de le faire modifier son genre de vie[2] ? Le malade veut-il obéir, il donnera alors de nouvelles prescriptions. S’il refuse, je tiens qu’il est d’un homme droit et d’un vrai médecin de ne plus se prêter à de nouvelles consultations. Celui qui s’y résignerait, je le regarderais, au contraire, comme un lâche et un médicastre. De même d’un État, qu’il ait à sa tête un ou plusieurs chefs. Si gouverné normalement, il suit la bonne voie et désire un conseil sur un point utile, il sera raisonnable de le lui donner. e S’agit-il, au contraire, d’États qui s’écartent totalement d’une juste législation et refusent absolument d’en suivre les traces, mais ordonnent à leur conseiller de laisser la constitution tranquille et de n’en rien changer sous 331 peine de mort, pour se faire par ses instructions le serviteur de leurs propres volontés et de leurs caprices, en leur montrant par quels moyens tout leur deviendra désormais plus commode et plus facile, l’homme qui supporterait un tel rôle, je le tiendrais pour un lâche ; pour courageux, au contraire, celui qui refuserait de s’y prêter. Tels sont mes sentiments, et lorsque quelqu’un me consulte sur un point important concernant sa vie, qu’il soit question d’argent ou bien d’hygiène du corps ou de l’âme, si b sa conduite habituelle me paraît répondre à certaines exigences, ou si, du moins, il semble vouloir se conformer à mes prescriptions dans les matières qu’il me soumet, bien volontiers je me fais son conseiller et je ne me débarrasse pas de lui en agissant comme par acquit de conscience. Mais si on ne me demande rien ou s’il est

    fait, il dut partir à cause de la guerre qui venait d’éclater entre la Sicile et la Lucanie. Voir Lettre III, 317 a. Plutarque, Dion, c. 16.

  1. Le but avoué de la lettre est de répondre aux désirs des amis de Dion en apportant des conseils. Mais en réalité, cet écrit est apologétique plutôt que parénétique. Voir la notice particulière.
  2. Cette comparaison du conseiller politique et du médecin est familière à Platon. Cf. République IV, 425 e et suiv. ; Lois IX, 720 a et suiv. Mais il est facile de se rendre compte en lisant ces passages que la lettre VII n’est nullement un plagiat de la République ou des Lois. Le même thème est traité différemment aux trois endroits.