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LETTRE III



Réponse à une première accusation.

Je vins à Syracuse, appelé par toi et par Dion. Ce dernier que je connaissais à fond, mon hôte de vieille date, était dans toute la force et la maturité de l’âge, conditions absolument requises chez des gens un tant soit peu sensés appelés à délibérer sur des questions aussi graves que l’étaient alors tes affaires. Toi, tu étais très jeune, totalement dépourvu de l’expérience qu’il aurait fallu avoir et absolument inconnu de moi. Bientôt, — d faut-il accuser un homme, un dieu, la fortune aidée par toi ? — Dion fut banni et tu restas seul. Crois-tu donc que j’aurais pu dans ces conditions prendre part avec toi aux affaires politiques, alors que je perdais ce sage associé, et que l’autre, l’insensé, je le voyais livré à une foule d’hommes pervers, et, pendant qu’il s’imaginait commander, ne faisant, au lieu d’exercer le pouvoir, qu’obéir à ces gens-là ? Dans ces circonstances, quelle devait être mon attitude ? N’est-ce pas celle que j’ai été forcé de tenir ? Dire adieu désormais aux affaires politiques, e me prémunir contre les calomnies des envieux et, quant à vous, mettre tout en œuvre, malgré vos divisions et vos discordes, pour renouer votre amitié. Toi-même en es témoin : je n’ai jamais cessé de tendre à ce but. Ce fut avec peine, mais cependant il fut convenu entre nous que moi, je m’embarquerais pour retourner dans mon pays, 317 puisque, vous, la guerre vous retenait là[1]. Mais, la paix faite, nous reviendrions, Dion et moi, à Syracuse, et cela, sur l’invitation que tu nous ferais. Telle est la vérité au sujet de mon premier voyage à Syracuse et de mon heureux retour dans la patrie. Quant à mon second voyage, à la conclusion de la paix, tu me rappelas, mais contrairement aux conventions, tu me mandais d’arriver seul. Pour Dion, tu promettais de le faire rentrer plus tard. C’est pourquoi, je ne vins pas, mais m’attirai même alors le mécontentement de Dion, car il jugeait b préférable mon départ et ma soumission à tes ordres. Puis, un an après, aborda une

    la révolte des mercenaires relatée par la Lettre VII (348 a, b). Cette même lettre fait encore allusion à l’hostilité et aux menaces des peltastes, mais sans en indiquer le motif (350 a). D’après Plutarque (Dion, c. 19), les peltastes accusaient Platon de pousser Denys à abandonner la tyrannie et à se passer par conséquent du service des mercenaires.

  1. Meyer (op. cit. V, 506, Anm. zu § 989) prétend qu’il s’agit de la guerre contre les Lucaniens. Diodore XVI, 5, raconte que Denys