Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 1.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
310 e
6
LETTRE II

même dans l’avenir on ne la passera pas sous silence, si nombreux sont ceux qui en ont reçu la tradition, comme d’une amitié qui ne fut ni faible ni cachée. Que veux-je dire par là ? Je vais te l’expliquer en remontant au principe. La sagesse et le pouvoir tendent naturellement à s’unir : ils se poursuivent sans cesse mutuellement, se recherchent, s’assemblent ; dans la suite, les hommes aiment à en parler eux-mêmes ou à en entendre parler dans leurs conversations privées ou dans les poèmes. 311Ainsi, s’entretenant de Hiéron et de Pausanias de Lacédémone, ils rappellent avec plaisir leurs relations avec Simonide, les actes et les dires de ce dernier à leur égard. Ils ont coutume d’associer dans leurs éloges Périandre de Corinthe avec Thalès de Milet, Périclès avec Anaxagore, Crésus et Solon, dans leur rôle de sages, avec Cyrus dans sa fonction de souverain[1]. Les poètes, suivant ces exemples, joignent les noms de Créon et de Tirésias, de Polyède bet de Minos, d’Agamemnon et de Nestor, d’Ulysse et de Palamède… C’est ainsi, sans doute, que les premiers hommes rapprochèrent Prométhée et Zeus. — Des uns, ils chantent la discorde, des autres l’amitié ; de ceux-là les fluctuations de la bonne entente ou de l’hostilité, leurs accords et leurs désaccords successifs. Tout cela, pour te montrer qu’après notre mort, cla renommée ne se taira pas sur notre compte : aussi, devons-nous y veiller ; il faut, en effet, sans aucun doute, nous préoccuper de l’avenir, car il arrive par une sorte de nécessité de nature que ce sont les caractères les plus grossiers qui n’en font point cas, tandis que les gens de bien, au contraire, font tout pour mériter les louanges de la postérité. Ce m’est, d’ailleurs, un indice que les morts ont quelque sentiment des choses d’ici-bas : les plus belles âmes présagent qu’il en est ainsi ; dles plus vicieuses le nient, mais les oracles des hommes divins ont plus de poids que ceux des autres. Et je pense que s’il était permis à ceux dont je parlais tout à l’heure de corriger les

    fameux sophiste, disciple du mégarique Bryson auquel on attribue l’objection du τρίτος ἄνθρωπος contre la théorie des Idées.

  1. Périandre n’est pas considéré ici comme sage, mais comme chef d’État (de même que dans Protagoras, 343 a). Le sage, c’est Thalès de Milet. — On sait les rapports qui s’établirent entre Périclès et Anaxagore. — À Cyrus, chef d’État, l’auteur de la lettre associe non plus un seul, mais deux sages, Crésus et Solon. Hérodote (I, 155-157 et 207) fait jouer à Crésus le rôle de conseiller