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CONCLUSION

de force, mais incapable de réagir ; partis d’opposition trop divisés pour réussir, composés, du reste, non seulement d’honnêtes gens (le parti de l’ordre dirigé par Dion), mais aussi d’aventuriers comme Héraclide ou Callippe. Dans ces tableaux d’une réalité saisissante, l’histoire, à la façon des grandes œuvres classiques, prend cette proportion d’humaine vérité qui, malgré la diversité des circonstances, rapproche des hommes d’aujourd’hui les acteurs de jadis aux âmes si diverses, et permet au moraliste moderne de puiser à cette éternelle expérience des leçons fécondes pour son temps. — Supérieur à ces luttes, dans une région sereine que ne parvient point à troubler la turbulence d’insensés, plane le Sage, le philosophe, humain pourtant lui aussi et accessible aux nobles émotions, sachant s’indigner contre la déloyauté et mettre tout son cœur au service de ses amis, mais toujours attentif à corriger les erreurs de l’imagination par la lumineuse clarté de son intelligence. De ses principes, on pourrait tirer une philosophie de l’histoire, et les gouvernants de nos États modernes gagneraient à méditer encore quelques-unes de ses intuitions géniales et certains de ses pressentiments politiques. Le Platon des Lettres a perdu, au contact des faits, les illusions que l’auteur de la République entretint peut-être « avec un sérieux mêlé de badinage » ; plus réaliste, et psychologue plus attentif au mécanisme des sentiments qui font vibrer les âmes, il ébauche déjà dans ses réflexions à des amis les idées, les plans, les projets qu’il développe presque dans le même temps et qui constitueront son testament politique définitif : les Lois.

Si les deux lettres authentiques sont pour nous si précieuses, il ne faudrait pas croire pour autant que les autres ne méritent aucune attention. Elles sortent, sans doute, de milieux assez différents ; plusieurs néanmoins, la 2e, la 5e, la 6e, la 9e, la 12e et la 13e proviennent de cercles pythagoriciens assez apparentés à l’Académie ; les autres sont probablement œuvres de rhéteurs. Toutes gardent cependant une valeur documentaire. Elles nous apprennent ce qu’à des époques suffisamment rapprochées de Platon, on pensait du Maître, de son influence, de ses préoccupations. Sans avoir l’importance historique des précédentes, elles témoignent de la diffusion des idées semées par le fondateur de l’Académie et recueillies par des générations de disciples qui les trans-