Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 1.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
422 e
10
LA RÉPUBLIQUE IV

Pourquoi ? demanda-t-il.

C’est un nom plus extensif, repris-je, qu’il faut donner aux autres États ; car chacun d’eux n’est pas un, mais plusieurs, comme on dit au jeu[1] ; quel qu’il soit en effet, il contient deux États ennemis l’un de l’autre, celui des pauvres et celui des riches, 423et chacun de ces deux-ci se subdivise encore en beaucoup d’autres. Si tu les traites comme un État unique, tu te voues à un échec complet ; mais si tu les traites comme étant plusieurs, tu n’as qu’à livrer aux uns l’argent, le pouvoir et les personnes mêmes des autres, et tu auras toujours beaucoup d’alliés et peu d’ennemis ; et ton État, aussi longtemps qu’il se gouvernera sagement, selon l’ordre que nous venons d’y établir, sera très grand, non seulement de réputation, mais de fait, n’eût-il qu’un millier de combattants, et tu n’en trouveras bpas facilement un aussi grand ni chez les Grecs, ni chez les barbares, quoique beaucoup paraissent être plusieurs fois aussi grands que le nôtre ; n’est-ce pas ton avis ?

Si, par Zeus, répondit-il.


Limites à donner
à l’État.

III  C’est donc ainsi, repris-je, que nous pourrions fixer la plus juste limite que nos magistrats doivent assigner à l’accroissement de l’État et à l’étendue de son territoire, après quoi ils renonceraient à toute annexion.

Quelle est cette limite ? demanda-t-il.

C’est, à mon avis, répondis-je, la suivante : tant que l’agrandissement ne compromettra pas l’unité de l’État, qu’on l’agrandisse, mais pas au delà.

cFort bien, dit-il.

Voici donc encore une prescription que nous ferons à nos gardiens : c’est de veiller de toute leur attention à ce que la cité ne paraisse ni trop petite ni trop grande, mais qu’elle garde un juste milieu et reste une.

C’est une prescription, dit-il, qui n’a peut-être pas beaucoup d’importance.

  1. Platon fait allusion à certain jeu de trictrac où probablement chaque joueur appelait ville (πόλις) la partie de l’échiquier qui était de son côté. Tout ce que nous savons de ce jeu, c’est que l’échiquier était divisé en 60 cases.