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INTRODUCTION

comme pour le devenir de toute créature et du monde lui-même, un point critique, et le savant calcul n’a pour but que de le fixer numériquement. Lorsque les chefs de la cité ignoreront ce nombre, il feront à contre-temps les mariages, laisseront le fer se mêler à l’argent et l’airain à l’or, et, négligeant de plus en plus le soin de l’éducation, ne sauront empêcher la sédition entre les races ainsi altérées. Gardiens et gouvernants demeurant les plus forts s’approprieront les terres et les maisons des artisans et laboureurs, et de ces gens qui étaient leurs nourriciers et leurs amis, feront des serfs (547 b).

Ainsi Platon nous représente comme évolution intérieure d’une cité ce qui fut, jadis, le résultat de l’invasion et de la conquête : la Crète et Sparte, Platon nous l’a dit lui-même, sont les modèles de cette timocratie. Elle tient le milieu entre l’aristocratie et l’oligarchie. Elle conserve de la première le respect de l’autorité, l’aversion pour les arts mécaniques, l’usage des repas en commun, des exercices gymnastiques et militaires, mais ne connaissant les philosophes que par des exemplaires dégénérés, ne les estime plus assez pour leur confier les plus hautes charges, et leur préfère les natures soldatesques. Elle penche vers l’oligarchie parce que, ne recevant qu’une éducation toute de contrainte, sans philosophie, elle adore sauvagement, hypocritement, l’argent et les jouissances qu’il procure. Cependant l’ambition domine en elle sur tout le reste : l’appétit irascible la gouverne. Capable d’apprécier la culture mais non de s’y livrer et d’y exceller, dur pour les esclaves, doux avec ses égaux, empressé envers ses supérieurs, toujours en quête d’une action d’éclat qui lui vaudra quelque avancement, mais, à mesure qu’il prend de l’âge, de plus en plus porté vers l’argent, voilà

    le nombre de Platon, on trouvera, avec la bibliographie essentielle, la plus satisfaisante étude dans Adam, II, p. 264-312 (lire en outre les intéressants compléments de G. Kafka, Zu J. Ad. Erklarung der Pl. Zahl, Philologus, xxiii, 1 (1914) p. 109-21). Le premier chiffre, 216, exprime en jours le temps le plus court de la gestation (humaine) ; le second 12 960 000, en jours aussi, la durée de la Grande Année cosmique ; le troisième, 36 000, exprime cette durée en années. Les deux membres de cette dernière égalité 3 6002 = 4 800 ⨉ 2 700 seront les deux cycles décrits dans le Politique (Adam, ad loc., p. 202).