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possible à être doux les uns envers les autres et envers ceux qui sont sous leur garde.

Tu as raison, dit-il.

Outre cette éducation, le bon sens indique qu’il faut leur assigner des demeures et des biens qui ne les empêchent pas d’être des gardiens aussi parfaits que possible et qui ne les portent pas à maltraiter les autres citoyens.

dC’est ce qu’il indique en effet.

Vois donc, dis-je, si pour les rendre tels, il ne faut pas leur imposer le régime et le logement que je vais dire. D’abord aucun d’eux n’aura rien qui lui appartienne en propre, sauf les objets de première nécessité ; ensuite aucun n’aura d’habitation ni de cellier où tout le monde ne puisse entrer[1]. Quant à la nourriture nécessaire à des athlètes guerriers sobres et courageux, eils s’entendront avec leurs concitoyens qui leur fourniront en récompense de leurs services les vivres exactement indispensables pour une année, sans qu’il y ait ni excès ni manque ; ils viendront régulièrement aux repas publics et vivront en communauté comme des soldats en campagne. Pour l’or et l’argent, on leur dira qu’ils ont toujours dans leur âme de l’or et de l’argent divins et qu’ils n’ont pas besoin de l’or et de l’argent des hommes, qu’il est impie de souiller la possession de l’or divin en l’alliant à celle de l’or terrestre, parce que des crimes sans nombre ont eu 417pour cause l’or monnayé du vulgaire, tandis que l’or de leur âme est pur ; qu’eux seuls de tous les citoyens ne doivent pas manier ni toucher l’or et l’argent, ni entrer sous un toit qui en abrite, ni en porter sur eux, ni

  1. Ennemi de la démocratie qui divise le peuple en deux partis hostiles, Platon remet le gouvernement aux philosophes ; mais prévoyant que leur éducation et leur sagesse ne sauraient les garantir de la tentation d’abuser de leur pouvoir et de se faire des ennemis de leurs sujets, il leur retire le droit de rien posséder en propre et les réduit juste au salaire nécessaire à leur subsistance. De cette manière ils n’exciteront pas la jalousie et n’auront point d’intérêt personnel opposé à celui de l’État. Les Pythagoriciens et les Spartiates ont suggéré à Platon quelques-unes des idées qu’il expose ici : les Pythagoriciens pratiquaient une sorte de communisme, en mettant leurs biens en commun, et les Spartiates proscrivaient l’usage de l’or (Xén., Rep. Lac. 7-6) et pratiquaient les repas en commun (cf. Lois 762 B).