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LA RÉPUBLIQUE

bEt la cause n’en est-elle pas qu’on est dérobé, fasciné ou violenté ?

Cette fois encore, dit-il, je ne saisis pas.

Il paraît, repris-je, que je parle en poète tragique. Je dis qu’un homme est dérobé, quand il est dissuadé et qu’il oublie, parce que, dans un cas, le temps, dans l’autre, la raison lui enlève son opinion, sans qu’il s’en aperçoive. Saisis-tu maintenant.

Oui.

Il est violenté, lorsque le chagrin et la douleur le forcent à changer d’opinion.

Cela aussi, je le conçois, dit-il, et ton assertion est juste.

cIl est fasciné, et ceci, tu peux, je pense, le dire aussi bien que moi, quand il change de sentiment sous le charme du plaisir ou le trouble de la crainte.

En effet, dit-il, il semble bien que tout ce qui trompe fascine l’esprit.


XX  Ainsi, comme je le disais tout à l’heure, il faut rechercher parmi les gardiens quels sont ceux qui observent le plus fidèlement leur maxime, qu’on doit faire en toute circonstance ce qu’on regarde comme le plus avantageux à l’État. Il faut donc les éprouver dès l’enfance, en les engageant dans les actions les plus propres à leur faire oublier ce principe et à les induire en erreur, puis choisir celui qui s’en souvient det qui est difficile à séduire, exclure au contraire celui qui ne l’est pas. N’est-ce pas ce qu’il faut faire ?

Si.

Il faut aussi les mettre aux prises avec des travaux, des souffrances et des luttes où l’on fera les mêmes observations.

Tu as raison, dit-il.

Ne faut-il pas, repris-je, les soumettre encore à une troisième espèce d’épreuve, celle qui consiste à les tromper par des prestiges, et les regarder concourir entre eux ; et de même qu’on mène les poulains dans le bruit et le vacarme pour

    « séparatistes » tiennent que la conception plus haute des livres VI et VII est d’une date plus tardive que celle que nous avons ici.