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LA RÉPUBLIQUE

lorsqu’une fois on aura donné à son discours l’harmonie[1] et le rythme convenables, on n’a guère, pour bien dire, qu’à s’en tenir à cette seule et unique harmonie, qui n’est sujette qu’à de faibles changements, et à un rythme à peu cprès pareil aussi.

C’est exact, dit-il.

Mais l’autre espèce exige tout le contraire : il lui faut toutes les harmonies, tous les rythmes, pour avoir son expression appropriée, puisqu’elle comporte des variations de toutes sortes.

C’est très juste.

Mais tous les poètes et en général les hommes qui parlent emploient le premier de ces deux genres de diction, ou le second, ou un mélange de l’un et de l’autre.

Nécessairement, dit-il.

dQue ferons-nous donc ? repris-je ; admettrons-nous dans notre État tous ces genres, ou l’un ou l’autre des genres purs ou le mélange des deux ?

Si ma voix l’emporte, dit-il, nous nous arrêterons au récit simple qui imite la vertu.

Pourtant, Adimante, le récit mélangé a bien de l’agrément, et le genre le plus agréable de beaucoup aux enfants, à leurs gouverneurs et à la plus grande partie de la foule, c’est le genre opposé à celui qui a tes préférences.

C’est le plus agréable en effet.

Mais, repris-je, tu vas peut-être me dire qu’il ne convient pas à notre gouvernement, eparce que chez nous il n’y a pas d’homme double ni multiple, attendu que chacun n’y fait qu’une seule chose.

En effet il ne convient pas.

Voilà pourquoi c’est une chose particulière à notre État que le cordonnier y est cordonnier et non pilote en même temps que cordonnier, le laboureur, laboureur, et non juge

  1. Platon explique lui-même 399 A et B les deux genres d’harmonie qu’on adoptera dans son État. Ce passage éclaire celui-ci. Cf. Aristote, Ethic. Nic., IV, 8 112a 12 sqq. καὶ κίνησις δὴ βραδεῖα τοῦ μεγαλοψύχου δοκεῖ εἶναι καὶ φωνὴ βαρεῖα καὶ λέξις στάσιμος : la lenteur des mouvements, la gravité de la voix, le calme de la diction semblent caractériser l’homme de noble caractère.