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LA RÉPUBLIQUE

Ton raisonnement, dit-il, me paraît très juste.

Dès lors, repris-je, il est impossible d’admettre, sur l’autorité d’Homère dou de tout autre poète, des erreurs au sujet des dieux aussi absurdes que celles-ci :

« Sur le seuil de Zeus sont placés deux tonneaux pleins,
l’un de sorts heureux, l’autre de sorts malheureux[1] » ;

et celui à qui Zeus donne un mélange des deux

« éprouve tantôt du bien, tantôt du mal » ;

mais celui qui ne reçoit que la seconde espèce de sort, sans aucun mélange,

« la faim dévorante le poursuit sur la terre divine » ;

e

et encore :

« Zeus est pour nous le distributeur des biens et des maux[2] ».


XIX  De même pour la violation des serments et de la trêve[3], si quelqu’un dit que Pandaros la commit à l’instigation d’Athéna et de Zeus, nous lui refuserons notre approbation, a tout comme à celui qui attribue 380à l’action de Zeus et de Thémis la querelle et le jugement des déesses[4]. Nous ne permettrons pas non plus de répéter en présence des jeunes gens les vers d’Eschyle où il est dit que

« Dieu implante le crime chez les humains,
Quand il veut ruiner complètement leur maison ».

Si quelqu’un représente les malheurs de Niobé, où se trouvent les iambes que je viens de citer, ou les malheurs des Pélopides ou ceux des Troyens ou quelque autre sujet semblable, nous ne le laisserons pas dire que ces malheurs sont l’œuvre de la Divinité, ou, s’il le dit, il doit en rendre raison à peu près comme nous cherchons à le faire en ce moment ; il doit dire que Dieu n’a rien fait en cela que de juste et de bon et que le châtiment ba tourné à l’avantage des coupables ; mais que les mortels punis aient été malheureux et que Dieu ait été l’auteur de leurs maux, c’est une chose que nous ne

  1. Δοιοὶ γάρ τε πίθοι κατακείαται ἐν Διὸς οὔδει
    Δώρων οἷα δίδωσι κακῶν, ἕτερος δὲ ἑάων
    (Iliade, XXIV, 527-9).

  2. Ces mots ne sont pas d’Homère, mais d’un poète inconnu.
  3. Sur la violation des serments, voir Iliade, IV, 69 sqq.
  4. On a rapporté la querelle et le jugement des déesses au combat