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LA RÉPUBLIQUE

et recevoir dans leur esprit des opinions le plus souvent contraires à celles qu’ils devront avoir, selon nous, quand ils seront grands ?

Nous ne le permettrons pas du tout.

Il faut donc commencer, semble-t-il, par veiller sur les faiseurs de fables, cet, s’ils en font de bonnes, les adopter, de mauvaises, les rejeter. Nous engagerons ensuite les nourrices et les mères à conter aux enfants celles que nous aurons adoptées et à leur façonner l’âme avec leurs fables beaucoup plus soigneusement que le corps avec leurs mains. Quant aux fables qu’elles racontent à présent, il faut en rejeter le plus grand nombre.

Lesquelles ? demanda-t-il.

Nous jugerons, répondis-je, des petites par les grandes ; car grandes et petites, il faut qu’elles soient faites sur le même modèle et produisent le même effet ; dn’est-ce pas ton avis ?

Si, dit-il ; mais je ne vois pas non plus quelles sont ces grandes fables dont tu parles.

Ce sont, répondis-je, celles des deux conteurs Hésiode et Homère[1], et des autres poètes ; car ce sont eux qui ont composé ces fables mensongères qu’on a racontées et qu’on raconte encore aux hommes.

Quelles sont donc ces fables, demanda-t-il, et qu’y blâmes-tu ?

Ce qu’il y faut blâmer d’abord et avant tout, répondis-je, c’est-à-dire de vilains mensonges.

eQue veux-tu dire ?

Qu’on représente en ces fictions les dieux et les héros d’une manière erronée, comme lorsqu’un peintre fait des portraits qui n’ont aucune ressemblance aux objets qu’il prétendait représenter.

On a raison en effet, dit-il, de blâmer ces errements ; mais comment et en quoi les poètes sont-ils répréhensibles ?

    l’intelligence, et que tous les gardiens doivent passer par cette formation. L’éducation supérieure est réservée (livre VII) à ceux d’entre les gardiens qui sont destinés à gouverner l’État, et son but exprès est d’éduquer l’intellect plutôt que la volonté. Sur l’éducation dans Platon on lira avec profit Nettleship, Hellenica, pp. 67-180 et A. Drygas Schneidemühl, Platon’s Erziehungstheorie (1880).

  1. Ce sont ces deux poètes que Platon considère comme