Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371 d
70
LA RÉPUBLIQUE

C’est exact,

eIl y a encore, je crois, d’autres gens à employer, gens peu dignes par leur esprit d’être admis dans la communauté, mais qui par leur vigueur physique sont propres aux gros travaux. Ils vendent l’emploi de leur force, et, comme ils appellent salaire le prix de leur peine, on leur donne, je crois, le nom de salariés, n’est-ce pas ?

Oui.

Ils sont, ce me semble, comme un complément de la cité, ces salariés[1].

C’est mon avis.

Dès lors, Adimante, la cité n’a-t-elle pas pris assez d’accroissements pour être parfaite ?

Peut-être.

Alors où peut-on y trouver la justice et l’injustice ? et, parmi les choses que nous avons examinées, avec laquelle ont-elles pris naissance ?

372Pour moi, répondit-il, je ne le vois pas, Socrate, à moins que ce ne soit peut-être dans l’échange que les hommes font entre eux de ces choses mêmes.

Il est possible, dis-je, que tu aies raison ; examinons la question sans nous rebuter.

Considérons d’abord de quelle manière vont vivre les gens ainsi organisés. Ne vont-ils pas produire du blé, du vin, faire des habits, des chaussures, se bâtir des maisons ? Pendant l’été, ne travailleront-ils pas ordinairement à demi vêtus et sans chaussures, et pendant l’hiver vêtus et chaussés comme il convient ? bPour se nourrir ils fabriqueront sans doute soit avec de l’orge, soit avec du froment, de la farine qu’ils feront griller ou qu’ils pétriront ; ils en feront de beaux gâteaux et des pains[2] qu’on servira sur du chaume ou sur des feuilles bien propres ; couchés sur des lits de feuillage, jonchés de couleuvrée ou de myrte, ils se régaleront eux et leurs enfants, buvant du vin, la tête couronnée de fleurs, et chantant les louanges des dieux ; ils vivront ensemble joyeusement,

  1. On remarquera que Platon ne parle pas d’esclaves ; ces salariés en effet, qui vendent l’emploi de leurs forces, ne sont pas des esclaves.
  2. Les habitants de la « cité première » sont végétariens. Cependant Platon permettra aux soldats de manger de la viande. Cf. III, 404 B.