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LA RÉPUBLIQUE

366Il est vrai qu’étant justes, nous n’aurions aucune peine à craindre de leur part, mais nous renoncerions alors aux profits de l’injustice. Au contraire, étant injustes, nous aurons le profit, et par nos prières nous leur persuaderons de nous pardonner nos crimes et nos fautes et nous échapperons au châtiment. Mais, dira-t-on, chez Hadès nous subirons la peine des injustices commises en ce monde, nous ou les enfants de nos enfants. — Mais, mon ami, répondra un homme qui raisonne, les initiations peuvent beaucoup ici, ainsi que les dieux libérateurs, bs’il en faut croire les plus grands États et les fils des dieux, poètes et interprètes des pensées divines, qui nous attestent ces vérités.


Socrate
doit montrer
que la justice
est un bien
par elle-même
et l’injustice un mal
par elle-même.

IX  Dans ces conditions, quelle raison reste-t-il de s’attacher à la justice plutôt qu’à l’extrême injustice, puisque nous n’avons qu’à cacher celle-ci sous de beaux dehors trompeurs pour réussir à souhait auprès des dieux et auprès des hommes, et de notre vivant et après notre mort, ainsi que l’attestent et les hommes du commun et les hommes supérieurs ?

Après ce que nous avons dit, le moyen, Socrate, de consentir à révérer la justice, cquand on a quelque vigueur d’âme ou de corps, quelque supériorité de fortune ou de naissance, et de ne pas rire quand on l’entend louer ? On peut donc affirmer que si un homme est capable de démontrer que ce que nous avons dit est faux, et s’il sait de science certaine que la vertu est le plus grand des biens, il est très indulgent et sans colère à l’égard des gens injustes. Il sait qu’à l’exception de ceux à qui un instinct divin inspire l’aversion de l’injustice ou qui s’en abstiennent, parce que la science les éclaire, dil n’y a personne qui soit volontairement juste, et que, si l’on blâme l’injustice, c’est que la lâcheté, la vieillesse ou quelque autre infirmité empêche de la commettre. La preuve en est qu’entre les hommes qui sont dans ce cas, le premier qui reçoit le pouvoir d’être injuste est le premier à en user dans la mesure de ses moyens. Et tout cela n’a pas d’autre cause que celle même qui a provoqué, de la part de mon frère et de la mienne, la discussion que nous avons