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LA RÉPUBLIQUE

dest unie, et il n’habite pas loin ; mais devant la vertu les dieux ont mis la sueur[1] »,

et une route longue et escarpée.

D’autres, pour montrer que les dieux sont influencés par les hommes, prennent Homère à témoin ; car Homère a dit, lui aussi :

« Les dieux eux-mêmes se laissent fléchir. Avec des sacrifices, des vœux flatteurs, edes libations et la graisse des victimes, les hommes les prient et les apaisent, quand ils ont transgressé la loi et commis quelque faute[2] ».

Ils produisent d’autre part une foule de livres de Musée et d’Orphée, fils de la Lune et des Muses, dit-on. Ils règlent leurs sacrifices sur l’autorité de ces livres et font accroire non seulement aux particuliers, mais encore aux États qu’on peut par des sacrifices et des jeux divertissants être absous et purifié de son crime, 365soit de son vivant, soit-même après sa mort. Ils appellent initiations ces cérémonies qui nous délivrent des maux de l’autre monde et qu’on ne peut négliger, sans s’attendre à de terribles supplices.


Les opinions
du vulgaire
et des poètes
sont des
encouragements
à l’injustice.

VIII  Tous ces discours, mon cher Socrate, ajouta-t-il, et mille autres semblables qu’on tient sur la vertu et sur le vice, et sur l’estime qu’en font les dieux et les hommes, quelle impression pensons-nous qu’ils produisent sur l’âme d’un jeune homme doué d’un beau naturel, qui, butinant, si je puis dire, sur les propos qu’il entend, est capable d’en raisonner et d’en conclure ce qu’un homme doit être et quelle route il doit suivre pour s’assurer la meilleure existence possible ? Il est vraisemblable qu’il se dira à lui-même avec Pindare :

  1. Hésiode, Trav. et Jours, 287-9. Les mots « et une route longue et escarpée » rappellent ceux d’Hésiode 290-1 μακρὸς δὲ καὶ ὄρθιος οἶμος ἐς αὐτὴν καὶ τραχὺς : et la route qui mène à elle est longue, escarpée et rude. Les mots καὶ τραχὺς sont l’origine de la leçon de F καὶ τραχεῖαν.
  2. Homère, Iliade, IX, 497-501 : ces paroles sont adressées par Phénix à Achille, Au lieu de λιστοί, notre texte d’Homère porte στρεπτοί ; mais comme λιστοί est un mot qui ne se rencontre pas ailleurs, il faut croire que la recension suivie par Platon portait λιστοί.