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INTRODUCTION

conception de la justice et de l’idéale cité ? Pour que les repas publics, l’interdiction de voyager à l’étranger et autres traits proprement Spartiates se retrouvent dans la République de Platon, ne suffisait-il pas de la tendance laconisante de Platon et des socratiques en général, même plus généralement des intellectuels athéniens ? Pour que, sans le secours de Platon, Isocrate les déduisît de la constitution égyptienne, ne suffisait-il pas, ou que la mode égyptianisante l’eût fait faire à d’autres avant lui, ou que l’occasion offerte par son thème lui en donnât l’idée ?

Un des rapprochements qui font le plus d’impression est celui qu’on établit entre Busiris 23 et République 412 c, 536 d : l’application des hommes mûrs au gouvernement et des jeunes aux sciences mathématiques. Fallait-il vraiment attendre Platon pour réserver le gouvernement aux hommes d’un certain âge ? Les oligarchies grecques n’avaient-elles pas « une inclination naturelle pour la gérontocratie » ? (Glotz, Cité grecque, 113). Fallait-il attendre Platon pour compter, parmi les études formatives de cette jeunesse qu’on préparait à la vie politique, l’astronomie, le calcul, la géométrie ? Nous avons parlé plus haut du rôle des Sophistes dans l’enseignement et le progrès des mathématiques. En face de Busiris (23) : τοὺς δὲ νεωτέρους.. ἐπ’ ἀστρολογίᾳ καὶ λογισμοῖς καὶ γεωμετρίᾳ διατρίβειν ἔπεισαν, que l’on mette donc ce passage du Protagoras où le grand Sophiste déclame contre ses confrères, Hippias et autres, qui, à leurs jeunes gens fuyant les arts mécaniques, imposent d’autres arts aussi peu nobles, τὰς γὰρ τέχνας αὐτοὺς πεφευγότας ἄκοντας πάλιν αὖ ἄγοντες ἐμβάλλουσιν εἰς τέχνας, λογισμούς τε καὶ ἀστρνομίαν καὶ γεωμετρίαν καὶ μουσικὴν διδάσκοντες (318 e). N’est-ce pas, extérieurement, déjà la partie mathématique de l’éducation platonicienne ? Mais, dira-t-on, le Busiris insiste sur l’influence moralisante de ces sciences (πλεῖστα πρὸς ἀρετὴν συμβαλλομένας). Avait-il donc besoin de Platon pour nous donner cette vague formule de rhéteur ? Si l’on veut, à cette distinction entre les avantages pratiques des mathématiques et leur vertu éducatrice, trouver un sens un peu relevé et des auteurs responsables, les Sophistes mêmes ne sont-ils pas là, et, à leur défaut, les Pythagoriciens ? C’est dans un bien autre esprit, nous l’avons vu, que Platon à la fois exalte la puissance excitatrice de ces disciplines et délimite leur portée scientifique. Est-ce vraiment un