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INTRODUCTION

ronner sa vie, alors que les méchants, si vites et si fiers au départ, achèvent leur course haletants, l’oreille basse, et ne recueillent que hontes et châtiments. Voilà quel tableau doit remplacer, en définitive, celui que dressait Glaucon au Livre II (360 e/2 c) des sorts du juste et de l’injuste.

Mais la rémunération véritable se fait hors de cette vie, et c’est un revenant, Er, fils d’Arménios, qu’on nous donne comme garant de la façon grandiose et souverainement équitable dont elle est distribuée. Un jugement, les méchants punis sous terre pendant autant de fois mille ans qu’ils ont commis d’injustices, les bons récompensés dans les mêmes proportions, les plus méritants jouissant de félicités plus hautes, les plus grands criminels, tyrans pour la plupart, condamnés à des supplices éternels, les pécheurs ordinaires remontant de l’enfer au terme de leur peine et se retrouvant avec les bons, qui redescendent du ciel, pour choisir leurs vies nouvelles, voilà le contenu doctrinal du mythe. Platon l’a parsemé de détails précis, qui donnent au conte la couleur et la vie et le maintiennent dans l’atmosphère des légendes et mystères orphiques. Il lui a donné comme cadre une cosmographie où sa fantaisie de poète joue habilement avec les résultats, les plus nouveaux de la science contemporaine[1]. Un fuseau suspendu aux extrémités du ciel, qui se nouent au milieu d’une colonne lumineuse ; ce fuseau descendant jusque sur les genoux de la Nécessité, et roulant sur lui-même d’un mouvement uniforme ; le peson de ce fuseau contenant dans son intérieur sept autres pesons concentriques, lesquels tournent avec des vitesses inégales et lentement, en sens contraire à celui du fuseau ; les trois Moires, filles de la Nécessité, assises autour du fuseau et guidant de leurs mains ses mouvements contraires ; sur le bord circulaire de chacun des pesons, une Sirène assise, chacune donnant sa note, toujours la même, et les Moires accompagnant de leur voix cette mystérieuse harmonie : voilà quel mécanisme Platon imagine pour figurer les distances et les mouvements des planètes. Ne lui demandons ni

  1. Cf. A. Rivaud, Études platoniciennes, I. Le Système Astronomique de Platon (Revue d’Hist. de la Philos., II, 1, p. 1-26) ; Frank, p. 27, p. 344, n. 69 ; Adam, II, p. 470/9 ; Duhem, Le Système du Monde, I, p. 59-64.