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INTRODUCTION

la concupiscence. Il y a des désirs nécessaires et profitables, d’autres superflus et prodigues. L’oligarque avare est dominé par les premiers, le bourdon dissipateur par les seconds. Autour de l’acropole vide de sciences, de nobles exercices, de principes vrais qu’est l’âme d’un fils d’oligarque, quels combats entre ces désirs opposés ! Platon nous les décrit en moraliste et en poète, et les auteurs de Combats Spirituels auraient pu trouver chez lui tout l’essentiel de leur imagerie. Le jeune homme se livre d’abord à tous les désirs, sans choix et sans répit. Puis il prend de l’âge, se modère, mélange aux vices quelques vertus utiles, goûte successivement les unes ou les autres, au hasard des dés, et ne tient pour mauvais aucun plaisir du moment que c’est un plaisir. Il devient ainsi le démocrate parfait, accueillant et dilettante, tout entier au désir du moment, aujourd’hui ascète et demain viveur, passant de l’ardeur pour la gymnastique à l’indolence absolue ou se donnant des airs de philosopher, puis se jetant dans la politique pour y dire et faire ce qui lui passera par la tête, à moins que ce ne soit dans la guerre ou dans le commerce. Pas de règle, pas de contrainte à cette vie, et pas de monotonie, car elle a tous les tons et tous les caractères et, comme la constitution démocratique elle-même, contient des modèles pour tout et pour tous (561 e). Ainsi Périclès vantait cette flexibilité pleine de grâce et cette richesse de talents : ἐπὶ πλειστ’ ἂν εἴδη καὶ μετὰ χαρίστων μάλιστ’ ἂν εὐτραπέλως.

2. — La tyrannie.


Le tyran
dans l’histoire
et la littérature
grecques.

Le mot τύραννος apparaît pour la première dans fois chez les lyriques : Archiloque de Paros (fr. 26), Simonide d’Amorgos (fr. 7), Alcée de Mitylène (fr. 73 A). Il vient du lydien, où il signifiait « chef, prince ». Chez Hérodote comme chez Simonide, il est synonyme de μόναρχος. En réalité, il a toujours désigné dans l’histoire grecque le chef qui s’est poussé lui-même au pouvoir en profitant d’une lutte violente des partis. Cette lutte violente s’est généralisée surtout au moment où, le régime économique se modifiant, le commerce et l’industrie prenant un essor inconnu jusque-là, une richesse capitaliste est née, désaxant l’ordre