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INTRODUCTION

C’est d’une telle situation et de l’évolution qui l’a créée que s’inspire le plus directement la peinture que Platon nous fait de l’oligarchie, de ses origines et de ses mœurs. L’exemple des premiers citoyens de la timocratie suscitant une envie et une émulation de fortune et de luxe ; le pouvoir bientôt fermé aux moins riches par la fixation d’un cens minimum ; la division en deux cités, l’une riche, l’autre pauvre, qui s’entre-déchirent ; l’impuissance croissante de la minorité privilégiée, parce que l’argent ne fait pas la compétence et ne remplace pas les hommes, qu’on le donne d’ailleurs avec peine et qu’on n’arme qu’en tremblant ceux qui sont le nombre ; la liberté laissée aux uns d’acheter, aux autres de vendre le bien de famille, et, ruinés, de vivre dans la cité sans être de la cité, bourdons remuants et, lorsqu’ils sont pourvus d’un aiguillon, prêts à toutes malfaisances (550 c-553 a). L’homme de cette constitution et de ce caractère a vu jadis son père précipité soudainement des honneurs et injustement condamné, et, dans sa jeune rancœur, s’est tourné vers l’argent, épargnant, amassant, assoiffé de jouissance, mais ne dépensant volontiers que le bien des autres, dépourvu de tout noble sentiment et ne refoulant que par crainte les bourdons avides ou malfaisants qui s’agitent au fond de lui-même (555 a).


La démocratie.

Platon a connu, jeune, toutes les tentatives et les audaces oligarchiques des hétairies. Il avait seize ans quand, en 411, une révolution réduisit à cinq mille le nombre des citoyens actifs, et son cousin Critias était du nombre des Quatre-Cents qui, flanqués de cent vingt jeunes gardes et serrant eux-mêmes leurs poignards sous l’aisselle, délogèrent brutalement le vieux Conseil, et gouvernèrent en fait à la place des Cinq-Mille. Il vit la désunion et l’impuissance des Quatre-Cents, leur chute, préparée par Théramène et Critias, et, sous une oligarchie modérée, le retour de la paix intérieure et de la victoire ; puis le second exil d’Alcibiade entraînant celui de Critias (407), enfin les désastres militaires de 405 amenant au pou-

    sur Cinadon, art. de Lenschau, RE, XI, 1, col. 458, Xén., Hellén., III, 3, 5-11 (6. ὅπου γὰρ ἐν τούτοις τις λόγος γένοιτο περὶ Σπαρτιατῶν, οὐδένα δύνασθαι κρύπτειν τὸ μὴ οὐχ ἡδέως ἂν καὶ ὠμῶν ἐσθίειν αὐτῶν).