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suffisantes. Mais, pour les noms des dieux, pourrions-nous, comme tu le faisais tout à l’heure en parlant de Zeus, examiner de la même manière en vertu de quelle justesse leurs noms ont été établis ?

Socrate. — Par Zeus ! Hermogène, si nous étions raisonnables, il y aurait pour nous une manière, la meilleure de toutes : ce serait de dire que nous ne savons rien des dieux, ni de leurs personnes, ni des noms qu’ils peuvent bien se donner à eux-mêmes, — car il est clair qu’ils emploient, eux, les vrais noms. Une seconde manière de justesse e serait de faire comme dans les prières, où nous avons pour loi de les invoquer « sous les noms, n’importe lesquels ni de quelle origine, qui leur plaisent »[1], comme n’en sachant pas 401 davantage. C’est en effet une loi sage, à mon avis. Faisons donc, si tu veux, notre enquête, après avoir pour ainsi dire prévenu les dieux qu’elle ne portera point sur eux — car nous nous en reconnaissons incapables —, mais sur les hommes et sur l’opinion qu’ils pouvaient avoir quand ils leur ont donné leurs noms : ce procédé ne saurait éveiller leur colère.

Hermogène. — Ta proposition, Socrate, me paraît sage[2]. Faisons comme tu dis.

Socrate. — N’est-ce point par Hestia qu’il nous faut commencer, suivant b le rite[3] ?

Hermogène. — Ce serait justice.

Socrate. — Quelle intention pourrait-on attribuer à celui qui a nommé Hestia ?

Hermogène. — Par Zeus, voilà encore qui ne me semble pas facile !

Socrate. — Il y a des chances, en tout cas, mon bon Hermogène, pour que les premiers auteurs de ces noms aient été non des esprits médiocres, mais de sublimes spéculateurs et des discoureurs subtils.

Hermogène. — Comment cela ?

    nous autres hommes, dans une sorte de geôle (φρουρᾷ), d’où l’on ne doit pas se libérer ni s’évader ».

  1. Sur cette formule prudente usitée dans les prières, cf. Euthydème, 288 a, etc.
  2. Littéralement : dans la juste mesure. Pour ce sens de μετρίως, cf. Criton, 46 c, etc.
  3. C’est par Hestia que l’on commençait les sacrifices.