elles sont ? — D’accord. — Alors, Ctésippe, les honnêtes gens parlent mal du mal[1], s’ils disent les choses comme elles sont. — Oui, par Zeus ! rien n’est plus vrai ; ils le font, en tout cas, des malhonnêtes gens, et toi, si tu m’en crois, tu prendras garde d’en être, de peur e que les gens de bien ne parlent mal de toi. Car sache-le, les honnêtes gens parlent mal des malhonnêtes. — Et des grands, dit Euthydème, ils parlent avec grandeur, et des échauffés en s’échauffant ? — Bien entendu, dit Ctésippe ; des froids parleurs[2], en tout cas, ils parlent froidement, et attribuent à leurs entretiens le même caractère. — Toi, Ctésippe, tu insultes, dit Dionysodore, tu insultes. — Ma foi non, Dionysodore, répondit l’autre, car j’ai de l’amitié pour toi. Mais je te conseille en camarade, et je cherche à te dissuader de jamais me dire si grossièrement en face que je 285 veux voir anéantis ceux dont je fais le plus de cas. »
Intervention de Socrate.
Moi, les jugeant trop irrités l’un contre l’autre, je me mis à plaisanter Ctésippe : « Ctésippe, lui dis-je, nous devons, à mon avis, accepter des étrangers ce qu’ils disent, s’il leur plaît de nous faire ce don, sans disputer sur un mot[3]. S’ils savent anéantir les gens de manière à les transformer de vicieux et insensés en vertueux et raisonnables, qu’ils en aient eux-mêmes découvert tous les deux le moyen, b ou qu’ils aient appris d’autrui le secret d’une destruction et d’un anéantissement capable de mettre à mort un méchant pour le faire reparaître honnête homme, si, dis-je, ils le savent — et évidemment ils le savent ; en tout cas, ils revendiquaient pour eux l’art, récemment découvert, de transformer les gens de vicieux en vertueux —, faisons leur donc cette concession : qu’ils mettent à mort ce garçon et le rendent raisonnable, et nous tous aussi par surcroît. Mais si
- ↑ Dionysodore joue sur la signification de κακῶς λέγειν (dire du mal de, c’est ainsi que l’entend Ctésippe) ; il prend cette locution au sens de : parler inexactement de.
- ↑ L’injurieuse épithète de ψυχρούς (froids, insipides), par laquelle il riposte à celle de θερμούς, est dirigée par Ctésippe contre les deux sophistes. Dionysodore ne s’y méprend pas.
- ↑ Le mot ἐξολωλέναι (283 d) dont s’est servi Dionysodore. Cf. 285 a.