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MÉNEXÈNE

le monde ; si donc c nous entreprenions à notre tour de glorifier en simple prose les mêmes sujets, peut-être paraîtrions-nous n’occuper que le second rang. C’est pourquoi je me propose de laisser de côté ces exploits, puisqu’aussi bien ils ont déjà leur récompense ; mais ceux dont un poète n’a pas encore tiré un renom digne d’un si digne sujet, et qui offrent une matière encore vierge[1], voilà ceux que je crois devoir rappeler, en en faisant l’éloge et en leur servant d’entremetteur auprès d’autres, pour qu’ils les mettent dans des chants et les autres genres de poèmes avec l’éclat convenable aux hommes qui les ont accomplis. Des exploits dont je parle voici les premiers. Les Perses, d maîtres de l’Asie et en train d’asservir l’Europe, furent arrêtés par les fils de cette terre, par nos pères, qu’il est juste et nécessaire de mentionner d’abord pour louer leur valeur. Il faut la voir, si l’on veut en faire dignement l’éloge, en se transportant par la parole au temps où l’Asie entière était pour la troisième fois asservie à un roi. Le premier, Cyrus, après avoir affranchi les Perses, avait dans sa superbe asservi à la fois ses propres concitoyens et leurs maîtres, e les Mèdes, et mis sous son autorité le reste de l’Asie jusqu’à l’Égypte[2] ; son fils avait mis sous la sienne l’Égypte et la Libye aussi loin qu’il pouvait les envahir[3] ; le troisième, Darius, étendit sur terre jusqu’aux Scythes les bornes de son empire[4] ; ses vaisseaux le rendaient maître de la mer et des îles, si bien que nul 240 n’osait lui tenir tête. Et les volontés de tout le genre humain se trouvaient réduites en servitude, tant l’empire perse avait courbé sous l’esclavage de peuples grands et belliqueux !


Marathon.

Or Darius nous accusa, nous et les Érétriens, de machinations contre Sardes. Sous ce prétexte, il envoya cinq cent mille hommes sur des transports et des navires de guerre, et trois cents vaisseaux

  1. Εἶναι ἐν μνηστείᾳ se dit d’une femme qu’on recherche en mariage, donc qui est libre, et, par analogie, d’un sujet qui n’a pas encore été traité. L’image est prolongée par προμνώμενον.
  2. Voir Hérodote, I, 127, 9 : Cyrus délivre les Perses et asservit les Mèdes ; I, 75-83, 162-200 : conquêtes de Cyrus en Asie.
  3. Hérodote, III, 1-13 : conquête de la Libye par Cambyse.
  4. Hérodote, III, 144 ; 151-159 ; IV.