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MÉNEXÈNE


Le discours d’Aspasie.
Exorde.

En ce qui concerne les actes[1], ceux-ci ont reçu les égards qui leur étaient dus, et, après les avoir obtenus, ils font le voyage fatal, accompagnés à la tombe par le cortège public de la cité, et par le cortège privé de leurs proches. En ce qui regarde la parole, l’hommage qu’il reste à leur accorder, la loi nous prescrit de le rendre à ces hommes, e et c’est un devoir[2]. Les belles actions, en effet, grâce à un beau discours, valent à leurs auteurs le souvenir et l’hommage de l’auditoire. Il faut donc un discours capable de fournir aux morts une glorification suffisante, et aux vivants des recommandations bienveillantes, en exhortant descendants et frères à imiter la vertu de ces hommes, et aux pères, aux mères, aux ascendants plus lointains, s’il en reste encore, en donnant à ceux-là des consolations. Quel discours découvrir 237 qui ait ce caractère ? Par où commencer dignement l’éloge de braves, qui, vivants, faisaient par leur vertu la joie des leurs, et qui ont acheté de leur mort le salut des vivants ? Je crois nécessaire de suivre l’ordre de la nature, qui a fait d’eux des gens de cœur, en réglant sur lui mon éloge. Gens de cœur, ils le furent, parce qu’ils avaient pour pères des gens de cœur. Célébrons donc d’abord leur bonne naissance ; en second lieu, la nourriture et l’éducation qu’ils ont reçues. b Faisons voir ensuite l’accomplissement de leurs exploits, en montrant que son éclat fut digne de ces avantages.


L’éloge : glorification de l’Attique

Cette bonne naissance a eu pour premier fondement l’origine de leurs ancêtres, qui, au lieu d’être des immigrés et de faire de leurs descendants des métèques dans le pays où ils seraient eux-mêmes venus du

    souplesse de son corps : « Ne savez-vous pas, dit-il, que tout à l’heure, au point du jour, Charmide que voici m’a surpris en train de danser ? »

  1. Comparer Thucydide, II, 35, 46, où ἔργῳ (les funérailles elles-mêmes) est opposé comme ici à λόγῳ (l’oraison funèbre).
  2. C’est-à-dire : une obligation morale, un devoir de piété, par opposition au devoir légal (comparer 239 d : δίκαιον καὶ χρή). Denys d’Halicarnasse remarque avec raison que ce petit mot (χρή), mis à la fin de la phrase, en brise le rythme, mais il ne voit pas que c’est une maladresse voulue par Platon.