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NOTICE

Ménexène : Socrate, mort en 399, y fait évoquer par Aspasie les événements de 387. Platon a pris ailleurs[1] des libertés avec la chronologie ; mais aucun dialogue n’en offre d’exemple aussi frappant que cette anachronisme grossier et voulu.

Nous nous refusons donc à voir dans le Ménexène une tentative pour réformer l’oraison funèbre, « en y introduisant toute la dose de philosophie et de vérité que comporte un genre de composition destiné au grand public »[2]. Nous ne croyons pas davantage que Platon, traitant la même matière que les rhéteurs, avec les mêmes ornements, ait voulu, par une disposition plus rigoureuse, montrer ce qui faisait défaut dans leurs discours et prêtait à la critique[3] ; ni qu’il ait cherché à battre la rhétorique avec ses propres armes[4]. D’ailleurs il serait peut-être excessif de vouloir trouver ici une caricature de l’épitaphios traditionnel[5]. Sans doute est-ce affaire de goût et d’impression. Mais les jugements si opposés qu’on a portés sur le sens et le ton de l’ouvrage semblent bien prouver que la parodie n’y a pas été — au moins partout — poussée à la charge. En fait, les procédés de l’école sont exactement appliqués dans le Ménexène, avec une sûreté de main qui peut faire illusion : il faut y regarder de près pour découvrir çà et là dans le pastiche la pointe d’exagération qui décèle l’ironie du dessein.

On a cru parfois trouver dans le Ménexène un mélange de plaisant et de sérieux. En voulant railler les rhéteurs, Platon a été dominé, nous dit-on, par son sujet, et entraîné, comme malgré lui, au pathétique[6]. Cette opinion pourrait se soutenir en effet pour quelques endroits du discours, notamment pour la seconde partie. Nous avons vu cependant que, même dans les passages où la nature du sujet lui imposait un ton plus grave, Platon n’a cessé de reproduire les procédés de l’école. C’est ailleurs qu’il faut chercher l’intention sérieuse de l’ouvrage. En imitant fidèlement l’esprit et la méthode de l’épitaphios traditionnel, Platon s’est moqué de la

  1. Par exemple, dans l’Ion et dans le Banquet.
  2. A. Croiset, o. l., p. 60.
  3. Stallbaum, o. l., p. 10.
  4. Wendland, o. l., p. 180 ; Wilamowitz, o. l., p. 142.
  5. Trendelenburg, o. l., p. 6.
  6. Th. Gomperz, o. l., p. 465.