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NOTICE

connaissent les Grecs, autour de mers visibles (cf. 109 b).

L’Achéron est à l’opposé de l’Océan et coule en sens contraire ; ce qui signifie sans doute que par rapport au noyau aqueux du Tartare son conduit d’émission fait face, sur l’autre côté, à celui d’où sort l’Océan. Son bassin de stagnation est le lac Achérousias. Opposé comme il l’est à l’Océan dont l’extériorité a été signalée, ayant dans la vie d’outre-tombe le rôle qui lui est attribué ici et plus bas, l’Achéron est vraisemblablement un fleuve surtout intérieur et, comme le dit d’ailleurs Platon en usant de l’expression commune, souterrain (112 e 9). Cependant, puisqu’il traverse des déserts, c’est-à-dire des lieux où nul homme n’a pu pénétrer ou habiter[1], il est vraisemblable qu’une partie de son cours est superficielle. Au surplus, s’il est vrai que tout fleuve est une voie de communication entre la terre invisible et la terre visible, il n’y a aucun fleuve qui soit entièrement intérieur ou entièrement extérieur.

Le troisième fleuve, le Pyriphlégéthon offre un intérêt particulier pour l’intelligence du mythe. Comme l’Achéron, il a un rôle important dans la destinée infernale des âmes : c’est donc, lui aussi, un fleuve à cours principalement intérieur. Après être sorti du Tartare à mi-distance des deux autres, il rencontre une vaste région pleine de feu[2]. Sur ce sol embrasé son courant change de caractère : l’eau en est rendue trouble et boueuse par les cendres qu’elle entraîne ; c’est une coulée de matières en fusion[3], un torrent de lave brûlante. Ainsi transformée, cette eau s’étend alors en un immense lac, mer souterraine plus vaste que notre Méditerranée. Au sortir de cette mer le Pyriphlégéthon s’enroule plusieurs fois sur lui-même dans la terre. Par l’un de ces circuits il longe extérieurement le lac Achérousias, mais sans qu’aucune communication se fasse entre leurs eaux. En d’autres circuits au contraire il touche à des voies de passage qui mènent à l’extérieur ; par elles il vomit une partie de sa lave,

  1. Analogues à ces Avernes dont parle Lucrèce, VI 738 sqq., 818 sqq.
  2. Peut-être ce feu est-il le substitut du feu pythagorique, dépossédé de sa position centrale ; cf. p. lxxi, n. 1.
  3. D’après le Timée, 59 bc, les métaux sont, ou bien de l’eau fusible, ou bien des mélanges d’eau et de terre.