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NOTICE

(111 e) ; la réponse à la seconde est liée à la considération des terrains, desquels tiennent leurs caractères les fleuves qui les traversent (112 a), et, par conséquent, aux hypothèses de Platon sur le trajet réel des courants.

1o Parmi tous les abîmes intérieurs de la terre, il en est un qui s’enfonce beaucoup plus profondément que les autres : c’est le Tartare. C’est une dépression pleine d’eau et qui va jusqu’au centre de la sphère terrestre[1]. Quand Platon dit que celle-ci est traversée de part et d’autre en son entier par le Tartare (112 a), il ne faut pas entendre que ce soit une sorte de puits à deux orifices, dont chacun s’ouvrirait à l’un des pôles d’un axe quelconque passant par le centre. Il est bien vrai que le Tartare traverse la terre en passant par le centre ; mais c’est en ce sens qu’il est la cavité où se rejoignent toutes les dépressions intérieures, et que celles-ci continuent des dépressions extérieures de la terre moyenne. Or les axes de deux dépressions opposées ne sont pas nécessairement les deux moitiés d’un axe unique. Par suite le Tartare n’est pas une sorte de diamètre de la terre ; il est plutôt, au voisinage du centre de la sphère, le domaine commun d’une pluralité de rayons qui s’orientent diversement vers la périphérie. Comme d’autre part ce centre n’est qu’un point géométrique, il ne peut être pour l’eau un point d’appui, ni une base (112 b). Ainsi le Tartare est au cœur de la terre une sorte de noyau aqueux duquel partent, comme des branches ou des épines de directions divergentes, les conduits qui relient à d’autres cavités intérieures ou extérieures la cavité centrale où se trouve ce noyau.

Le Tartare étant ainsi constitué, comment se comportera l’eau qu’il enferme ? — Nulle part, observons-le tout d’abord, Platon ne dit que le centre de la terre, autour duquel est le Tartare, soit le lieu où tendent tous les corps en vertu de la pesanteur, ni qu’il soit à ce titre le bas pour eux et pour le monde. Bien au contraire les termes haut et bas n’ont à ses yeux qu’une signification purement conventionnelle (112 c). C’est ainsi que le même mouvement en vertu duquel les eaux descendent vers le Tartare est vers le centre un mouvement de

  1. En contraste, semble-t-il, avec le Feu central des Pythagoriciens, qu’il fût d’ailleurs extérieur ou intérieur à la terre. Cf. J. Burnet, Early Greek Philosophy², p. 345 sqq. Voir infra, p. lxxv, n. 2.