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PHÉDON

les traditions, ce que doit être, selon la vie qu’elles ont menée, leur départ d’abord sous la conduite de Génies auxquels chacune a été attribuée, ensuite leur voyage jusqu’au lieu du jugement, leurs pérégrinations enfin dans l’Hadès, sous la direction d’autres guides, qui sont des dieux pour les Purs, jusqu’au séjour que la sentence aura fixé pour elles (107 d-108 c ; cf. 113 d-114 c).

Quant à la conclusion du grand mythe, elle nous ramène aux idées qui ont inspiré la première et la deuxième partie de l’entretien, à ces idées de confiant espoir, de foi en des croyances capables de soutenir cet espoir, d’exorcisme à l’égard de craintes funestes, d’instruction réconfortante (cf. 70 b, 77 e sq., 83 a). Mais, depuis, une démonstration est intervenue ; elle fait certes pressentir de nouvelles recherches ; dès à présent toutefois elle autorise à reprendre ces idées pour les systématiser, pour les lier en même temps à une vue générale du monde où vivent les hommes et à une représentation de leur destinée en rapport avec leur conduite. C’est ainsi que le contenu du mythe constitue un ensemble de motifs[1] pour entreprendre, en vue de participer à la vertu fondée sur la pensée, une lutte dont le prix est si beau et suscite un si magnifique espoir. Nul homme raisonnable certes n’oserait soutenir que les choses sont réellement telles que le raconte le mythe. Mais ce qui est certain c’est que, pour quiconque admet la démonstration qui a été proposée de l’immortalité de l’âme, cette croyance, ou une autre analogue relativement à sa destinée, est une croyance convenable et digne, portant sur un risque qu’il est beau d’accepter. Voilà donc pourquoi le philosophe est en face de la mort plein de confiance ; sa vie en effet a été une vie de renoncement volontaire aux biens du corps, qui sont étrangers à l’âme, mais au contraire d’attachement zélé aux biens qui en sont les biens propres : l’acquisition de la vérité, la justice, le courage, la liberté dans l’affranchissement des passions. Il ne peut donc être que tranquille le jour où le destin fixé par les Dieux (cf. 62 a, c) l’appelle à quitter la vie (114 c-116 a).

C’est donc à un pari qu’aboutit en dernière analyse le

  1. On trouve au début et à la fin du morceau sur l’objet de la vie philosophique, 82 c, 83 e, la même expression qu’ici 114 c 7 : τούτων δὴ ἕνεκα, voilà en vue de quoi, pour quels motifs. Cf. p. xxiv sqq.