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NOTICE

le Phèdre et dans le Timée, aux eschatologies infernales une eschatologie en quelque sorte immanente, qui est faite de migrations et de métensomatoses. Rien de tout cela ne ruine la doctrine du Phédon, mais plutôt l’éclaire, la complète ou la développe.

Sans doute est-ce parce que dans le Phédon il reste encore tant d’obscurités et de lacunes que, comme sa seconde partie (cf. 80 d-81 c), la troisième elle-même s’achève par un grand mythe, l’un des plus importants de l’œuvre de Platon et dans lequel, tout en précisant l’eschatologie du premier, il construit une véritable cosmologie. Ce mythe doit être l’objet d’une étude particulière. Pour le présent il suffira d’avoir déterminé comment en fait est introduite cette conclusion et quelles réflexions l’accompagnent ; de la sorte en effet on appréciera plus exactement le caractère véritable de notre dialogue et sa portée philosophique.

La démonstration de l’immortalité s’était achevée par l’affirmation de l’existence de nos âmes chez Hadès. Cette affirmation se lie à des croyances, maintes fois rappelées au cours de l’entretien[1], relativement au bonheur et au malheur des âmes après la mort. Le moment est venu de se faire sur le sort de celles-ci et sur ses conditions physiques un ensemble de représentations probables (cf. 61 e et 114 d). — Si en effet l’âme de chacun de nous, sa personnalité spirituelle (cf. 115 c-e), ne doit pas être détruite, c’est pour la totalité de son existence, et non pas seulement pour la période que nous appelons la vie, qu’il faut avoir souci de son âme (cf. p. 44, n. 1) : comment croire en effet que, dans un anéantissement total, où sa méchanceté périrait avec son âme, le méchant doive trouver un bénéfice de cette méchanceté ? Le risque de la survivance est trop grave pour qu’on ne voie pas l’unique chance du salut dans la vie la plus raisonnable et la meilleure possible. Car les âmes arrivent aux Enfers dépouillées de tout[2] sinon de leur moralité propre, qui est pour elles la source de tout profit comme de tout dommage (107 cd). — Platon décrit donc, soi-disant d’après

  1. En outre du mythe de la deuxième partie, cf. 63 bc, 69 c, 72 e, 83 de.
  2. Cf. p. 85, n. 2. Il s’agit de tous les objets qui, déposés dans la tombe avec des aliments et des boissons, sont les signes extérieurs de la condition sociale du défunt.