Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
lii
PHÉDON

les règles : 1o  le principe que d’un commun accord on a pris pour point de départ, ne pas le laisser mettre en question tant qu’on n’a pas examiné encore si les conséquences qui en découlent s’accordent ou ne s’accordent pas entre elles ; 2o  puis quand il y aura lieu, cela fait, de rendre raison du principe lui-même, procéder semblablement en déduisant les conséquences d’un autre principe, le meilleur qu’on puisse concevoir dans un ordre de notions supérieur à celui auquel appartenait le précédent ; 3o  continuer ainsi jusqu’à ce qu’on soit arrivé à quelque principe qui suffise à rendre raison de tout ce qui en dépend[1]. Mais il ne faut pas imiter ces controversistes qui, brouillant le principe avec les conséquences[2], deviennent incapables d’acquérir de quoi que ce soit une notion intelligible, et dont la vanité de faux maîtres n’enchante qu’elle-même (101 c-102 a).

B. Une nouvelle interruption du récit de Phédon et un retour au dialogue direct fixent l’attention sur l’importance de la conclusion méthodologique qui vient d’être obtenue, et l’orientent en même temps vers l’application qui va être faite de la méthode logique à la recherche de la cause en vertu de laquelle nos âmes sont immortelles.

Pour bien comprendre la suite, il faut se rappeler ce que devait à la philosophie des Éléates l’usage de la méthode logique. Le dialectique de Zénon, application particulière des méthodes mathématiques des Pythagoriciens, consistait précisément à déduire d’une ὑπόθεσις les conséquences qu’elle comporte ; mais c’était toujours pour ruiner l’hypothèse par le désaccord des conséquences entre elles et avec l’hypothèse. D’un autre côté l’arme de cette argumentation négative, apparentée d’ailleurs à la rhétorique sicilienne, ne pouvait manquer d’être utilisée par la sophistique d’un Gorgias pour produire de faciles confusions, en négligeant les véritables relations du principe et des conséquences. Il importait donc beaucoup à Platon de marquer avec netteté en quoi sa propre dialectique se distingue de celle des Éléates. Celle-ci

  1. C’est l’ἀρχὴ ἀνυπόθετος de Rep. VI, 510 b.
  2. Il n’est pas impossible, comme le pense M. Burnet, qu’il y ait ici une allusion à des Sophistes qui, à l’exemple de Protagoras, croyaient infirmer la valeur du raisonnement mathématique, en critiquant le fondement même des mathématiques (cf. Aristote, Metaph. Β 2, 997 b, 32 sqq.).