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PHÉDON

appartient à l’âme (cf. 79 e sq.), et surtout quand elle est sage. Or cette autorité, elle ne l’exerce pas en se prêtant complaisamment aux affections du corps, mais bien plutôt en les contrariant, quand elle juge raisonnable de le faire. Or ce dont on était convenu, c’est que, si l’âme est l’accord des tensions et des relâchements du corps, jamais elle ne pourra faire entendre une musique qui soit avec eux en opposition et que cette musique, bien loin de les conditionner, en est au contraire une suite naturelle. La définition de l’âme par l’accord conduit donc une fois de plus à une contradiction. Cette définition est donc inacceptable (94 b-95 a).

Voilà la thèse de l’âme-harmonie définitivement mise hors de cause (95 ab). — La méthode employée mérite tout d’abord l’attention : étant donnée à la base une thèse, admise sous réserve ou par mutuelle convention (ὑπόθεσις), on en déduit les conséquences pour voir si elles conviennent, soit avec le principe, soit entre elles, soit enfin avec des faits qui ne sont pas contestés par celui qui a accepté le principe[1]. C’est un exemple anticipé de la méthode dont la formule sera plus explicitement donnée dans la suite (cf. 100 a, 101 de). En outre de cet aspect formel de la discussion, il faut noter que sur la nature essentielle de l’âme elle a permis d’acquérir deux résultats positifs. L’un est que l’âme a son essence propre, laquelle ne comporte pas de degré (cf. 93 b). L’autre est que les déterminations de cette essence et de ses propriétés sont relatives au bien et au mal (cf. 93 a) ; ce qui implique que son action sur le corps n’est pas purement mécanique, mais relative aux fins propres de l’âme, qui sont morales. Or ces deux résultats, obtenus à l’encontre de la thèse de Simmias, s’opposent à ce qu’implique celle de Cébès, et en fait ils serviront à la réfuter (cf. p. l et p. lx sq.).

2o  La discussion de cette dernière thèse est la pièce capitale de la troisième partie. C’est ce que Platon marque bien dès le début. Il signale en effet tout d’abord avec quelque

  1. Aussi l’emploi de la proposition conditionnelle (avec εἰ, εἴπερ, ἐπειδή) est-il fréquent dans tout le morceau. On remarquera particulièrement les expressions qui marquent l’assentiment (ὁμολόγημα), la position des prémisses (ὑπόθεσις), la déduction des conséquences (ἐκ τούτου τοῦ λόγου, κατὰ τὸν ὀρθόν λόγον) : 93 c 1, 8 ; d 1, 2 ; e 7 sq. ; 94 a 5 ; b 1 ; c 2, 6.