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PHÉDON

de reconnaître par lui-même s’il a trouvé la vérité. Aussi bien y a-t-il présentement pour Socrate tout bénéfice à croire ainsi en l’existence d’une vérité ; car, même s’il n’y a rien pour nos âmes après la mort, au moins n’aura-t-il pas importuné ses amis de lamentations jusqu’au moment où finira son ignorance ! Voilà donc dans quel esprit il discutera les théories de Simmias et de Cébès : c’est à la Vérité seulement qu’ils doivent avoir égard, soit pour lui donner, à lui, leur adhésion, soit pour lui tenir tête ; une illusion, que la seule ardeur de sa conviction aurait fait naître en eux et en lui, laisserait dans leur esprit une blessure qui ne se fermerait pas (90 d-91 c)[1].

1o  Le sens de la discussion ayant été ainsi déterminé, Socrate résume les deux thèses afin de définir, d’accord avec leurs auteurs, les points qu’il s’agit d’examiner. Puis, étant entendu que de la thèse socratique ils ne rejettent pas tout, il obtient de leur part un commun assentiment à la doctrine de la réminiscence (91 c-92 a). Voilà d’où partira l’examen de la thèse de Simmias.

Or, si celui-ci tient à sa conception de l’âme-harmonie, il ne peut d’autre part accepter la réminiscence. Tout accord en effet est une synthèse. Que l’âme soit l’accord des tensions constitutives du corps, dès lors il faudra, pour que la réminiscence soit vraie, que l’âme préexiste aux facteurs dont elle est censée être la composition ; ou, pour que la thèse de Simmias soit vraie, que l’âme soit une résultante de facteurs qui n’existent pas encore. Contradiction manifeste : il faut donc choisir. Le choix de Simmias est bientôt fait : il s’est laissé, dans sa théorie, séduire par de fallacieuses analogies ; la réminiscence au contraire et, par conséquent, la préexistence de notre âme dépendent d’un principe dont la certitude s’impose, savoir que c’est à l’âme qu’appartient cette réalité dont l’épithète propre est « essentielle » (92 a-e)[2].

Puisqu’il s’agit cependant, non d’un succès à obtenir sur un adversaire, mais d’une vérité à trouver, une retraite aussi

  1. Cette conception critique de la recherche, accompagnée de la conviction qu’il existe une vérité, ne s’oppose pas seulement aux Sophistes qui n’ont pas cette conviction, mais en même temps aux Pythagoriciens, qui acceptent sans critique la Parole du Maître.
  2. Voir p. 49, n. 3 et p. 60, n. 1-3.