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PHÉDON

écouter objections ou questions, et l’on croit deviner que ses réponses seront des réponses inspirées (84 d-85 b).

I. Deux hypothèses nouvelles sur la nature et la condition de nos âmes vont être exposées ; c’est de la discussion de chacune d’elles que se dégagera progressivement la théorie de Platon.

1o  Simmias, qui parle le premier, commence par exprimer à l’égard de la possibilité de résoudre le problème une défiance que Socrate ne désapprouve pas, et qui d’ailleurs ne doit pas disparaître (cf. 107 ab). On ne peut cependant, dit-il, abandonner ce problème avant d’avoir soumis à l’épreuve de la critique toutes les solutions qui en ont été proposées, ou avant d’avoir essayé d’en trouver une personnellement. Mais, si d’aucun côté on n’a obtenu satisfaction, il ne reste qu’à s’accommoder, pour faire la traversée de l’existence, d’une simple probabilité humaine, ou bien à se confier au soutien mieux assuré d’une révélation divine (85 b-e).

Ceci dit, l’objection de Simmias et sa théorie sont les suivantes. Appliquons, dit-il, la conception de Socrate à la relation de l’accord musical (cf. p. 49, n. 2) avec la lyre et avec les cordes qui donnent cet accord : ce qu’il y a, prétendra-t-on, d’invisible, d’incorporel et d’incomparablement beau dans la lyre accordée, ce qui en elle s’apparente à l’immortel et au divin, c’est l’accord musical ; quant à la lyre avec ses cordes, voilà ce qui est corporel, composé et, en fin de compte, apparenté à la nature mortelle. Supposons maintenant qu’on brise le bois de la lyre et qu’on en sectionne les cordes : il faudra dire alors que nécessairement ce qui est de nature mortelle doit avoir péri bien avant que pareil sort puisse atteindre ce qui au contraire est, de sa nature, immortel, et que par conséquent l’accord continuera de subsister quelque part. — La même comparaison, qui a conduit la thèse socratique à cette absurdité, va servir à Simmias pour exposer sa propre théorie. Pour lui, l’âme de chacun de nous est une combinaison et un accord résultant d’une tension et d’une cohésion convenables des opposés, chaud et froid, sec et humide, etc., qui constituent le corps. Celles-ci viennent-elles donc à se relâcher ou à se tendre à l’excès, par exemple sous l’action des maladies, alors il est fatal que, comme l’accord des sons, l’âme périsse aussitôt dans la mort. Il y a plus :