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NOTICE

au bonheur qu’elle comporte, les âmes complètement purifiées de ceux qui ont mené la vie de l’ami du savoir (80 e-82 c).

Quelles sont d’ailleurs les fins auxquelles tend le vrai philosophe ? En les déterminant, ainsi que la méthode propre à les atteindre, Platon donne à la seconde partie du Phédon sa conclusion. Le morceau est une sorte d’ « élévation » sur la mort, dans laquelle, à l’aide des méditations antérieures, il dégage du mythe le symbole moral qui y est enfermé[1]. Le morceau s’achève en effet sur ce thème de l’effroi, qui était à l’origine de la deuxième partie, et qui y est deux fois rappelé après l’argument de la réminiscence et après la réunion de celui-ci à l’argument des contraires[2]. Corrélativement, on voit reparaître aussi l’idée initiale du sermon d’encouragement, de l’incantation apaisante ; cette autre encore, qu’il est en notre pouvoir de chasser des illusions dont nous sommes nous-mêmes les artisans[3]. Le retour de ces idées caractérise uniformément toute cette partie du dialogue comme une préparation à la démonstration véritable.

Pourquoi l’ami du savoir est-il détaché des appétits corporels et affranchi des craintes qui assaillent l’ami des richesses et celui des honneurs ou du pouvoir[4] ? Parce que seul il a souci de son âme, mais non de son corps ; parce qu’il sait bien où il va en suivant la philosophie et en s’interdisant de rien faire qui contrarie la purification et la libération qu’elle lui procure. Emprisonnée dans le corps, l’âme est en effet incapable de rien examiner qu’à travers les barreaux de sa geôle, mais jamais d’elle-même ni par ses propres moyens : emprisonnement d’ailleurs remarquable, car il est l’œuvre de l’emprisonné lui-même. Aussi, en sermonnant celui-ci sans brusquerie, en l’invitant à se représenter à lui-même sa véritable fin, en

  1. Mais ce n’est pas, à proprement parler (comme le dit M. Burnet, Phaedo, sommaire de 80 c-84 b), l’application morale d’une théorie.
  2. Comparer 84 b avec 70 a et 77 b, e.
  3. Comparer 83 a, 82 e, 83 c avec 70 b, 77 e, 78 a.
  4. Ceux-ci, les φιλοχρήματοι, les φίλαρχοι, les φιλότιμοι sont opposés 82 c aux amis du savoir, aux φιλομαθεῖς, comme ils l’ont été 68 c, sous le nom générique d’amis du corps, φιλοσώματοι, au philosophe. Mais, le français ne possédant que ce seul décalque des composés analogues qui existent en grec, on est obligé, pour traduire les autres, d’user de périphrases.