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PHÉDON

ouvertes que celle où nous habitons ; les autres, tout en étant plus profondes, ont un gouffre moins étendu que n’est notre propre région ; il en est d’autres enfin dont la profondeur d est plus faible que celle de ce lieu-ci, mais la largeur plus grande. Or toutes ces régions souterraines communiquent entre elles[1], en une foule d’endroits, par des trous d’un diamètre plus étroit ou plus large, et elles possèdent en outre des voies de passage. Aux points où une eau abondante s’écoule des unes dans les autres ainsi qu’en de grands vases, il existe aussi des fleuves intarissables, d’une grandeur immense, qui portent sous la terre des eaux aussi bien chaudes que froides ; mais, où s’écoule en abondance du feu, il y a aussi de grands fleuves de feu ; il y en a beaucoup enfin qui sont de boue liquide, tantôt plus claire, tantôt plus bourbeuse ; c’est ainsi qu’en e Sicile[2] coulent avant la lave les fleuves de boue, et puis la lave elle-même. Ces fleuves donc emplissent en outre chaque région[3] selon le sens dans lequel, pour chacune et à chaque fois, le courant vient à se produire. Or ce qui cause tous ces mouvements de montée et de descente, c’est une manière d’oscillation qui se fait au-dedans de la terre, et l’existence de cette oscillation doit tenir aux conditions que voici[4].

« Parmi les gouffres de la terre il y en a un surtout qui est le plus grand, et précisément parce qu’il traverse 112 la terre tout entière d’outre en outre. C’est de lui précisément que parle Homère, quand il en dit : « bien loin, dans l’endroit où sous la terre est le plus profond des abîmes[5] », et c’est celui qui en d’autres passages, d’Homère aussi bien que de beaucoup d’autres poètes, est appelé le Tartare. Le fait est que ce gouffre est le lieu où vient converger le cours de tous les fleuves, et aussi celui d’où inversement il part[6], chacun acquérant en revanche ses caractères propres de ceux que peut avoir le terrain à travers lequel il coule. Quant à la raison pour laquelle cet endroit est, pour tous, l’origine aussi bien que le

  1. Au moins par le moyen de la cavité centrale (Notice, p. lxx).
  2. Probablement Platon l’a déjà visitée ; cf. Notice, p. viii.
  3. Sur ceci voir plus loin 112 b et c.
  4. Aristote expose cette théorie Meteor. II 2, 355 b, 32-356 a, 14.
  5. Iliade VIII, 14 et, pour l’allusion qui suit, 481.
  6. De la façon qui sera expliquée quelques lignes plus bas.