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PHÉDON

la terre : c’est ce dont on m’a fait acquérir la conviction[1]. » Simmias interrompit : « Que d veux-tu dire par là, Socrate ? Car moi aussi, il va sans dire que sur la terre on m’a appris beaucoup de choses, et ce ne sont sans doute pas celles auxquelles va ta conviction. J’aurais donc plaisir à t’entendre en parler. — Hé mais ! Simmias, ce n’est bien sûr pas, à mon sens, le secret de Glaucus[2], de t’en donner à tout le moins un exposé ! Mais là-dedans, quelle vérité ? ah ! voilà qui, manifestement, surpasse à mes yeux pour la difficulté le secret de Glaucus ! C’est-à-dire que tout ensemble il y aurait incapacité probable de ma part, et que tout ensemble le temps que j’ai à vivre, Simmias, ne suffit pas non plus, je pense, à l’étendue du sujet. Quelle est au surplus la nature de la terre selon ma conviction, e quelles en sont les régions, rien ne m’empêche de vous le dire. — Mais oui, dit Simmias, il n’en faut pas plus ! — Voici donc, reprit Socrate, de quoi je me suis laissé convaincre. C’est, tout d’abord, que si la terre est au centre du monde et qu’elle soit ronde, elle n’a nul besoin, pour éviter de tomber, ni de l’air, 109 ni d’aucune autre pression du même genre. Mais ce qui suffit à la retenir, c’est la similitude de toutes les directions du monde entre elles et l’état d’équilibre de la terre elle-même ; car pour une chose qui est placée en équilibre au centre d’un contenant homogène, il n’y aura lieu, ni peu ni prou, de tomber d’aucun côté[3] ; or, une telle position étant celle de la terre, étant incapable de tomber elle restera immobile. Voilà donc, dit-il, le premier point dont on m’a convaincu. — C’est à bon droit, oui ! dit Simmias.

— Le second point maintenant, poursuivit Socrate : c’est qu’il s’agit de quelque chose de tout à fait grand et dont nous, qui habitons du Phase b jusqu’aux colonnes d’Hercule[4], nous

  1. Qui ? Peut-être personne ; non du moins les Pythagoriciens, car l’adhésion de Simmias (109 a) ne concerne que le premier point. Aristophane (Nuées 188-192, 206-215) raille les études de l’école de Socrate sur la géographie, sur les abîmes du Tartare.
  2. Le dicton, dont il est inutile d’énumérer les interprétations (Burnet, App. II), équivaut à notre « ce n’est pas sorcier ».
  3. Cette indifférenciation est du ciel et de la terre, et non pas seulement de celle-ci, comme dit Aristote, De caelo II 13, 295 b, 10-16, qui rapporte à Anaximandre l’origine de la théorie.
  4. C’est-à-dire, de l’extrémité orientale de la mer Noire (Col-