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PHÉDON

personne, dirait-il, qui en soit instruit, car il est impossible à quiconque parmi nous d’en avoir le sentiment. Mais, si la chose est ainsi, il n’y a pas d’homme chez qui son assurance devant la mort soit justifiée et ne soit pas une assurance déraisonnable, à moins qu’il ne soit en mesure de prouver que l’âme est chose totalement immortelle et impérissable. Sinon, de toute nécessité, celui qui va mourir doit toujours craindre pour son âme que, dans l’instant où elle est disjointe du corps, elle ne soit aussi détruite totalement. »


Une pause dans le récit.

Tous, bien certainement, après les avoir entendus parler, c nous éprouvions un sentiment de mauvaise humeur, ainsi que plus tard nous nous le sommes mutuellement confié : ce qui avait été dit jusqu’alors nous avait solidement convaincus ; et les voilà, nous disions-nous, qui nous rejettent dans notre inquiétude, qui nous précipitent dans l’incrédulité, non pas seulement à l’égard des arguments déjà exposés, mais d’avance envers ce qui se dira par la suite ! Était-ce complètement notre faute en outre d’avoir mal jugé ? ou n’était-ce pas la question elle-même qui ne comportait pas de certitude ?

Échécrate. — Pardieu ! Phédon, je vous pardonne bien ! Moi-même en effet, pendant que je t’écoute, voici presque le langage que j’en viens à me tenir : « Quel est donc dorénavant d l’argument auquel nous nous fierons, puisqu’aussi bien, malgré sa forme persuasive, l’argument exposé par Socrate vient à présent de s’effondrer dans l’incertitude ! » C’est l’effet du merveilleux ascendant qu’exerce sur moi, à présent comme en tout temps, la thèse d’après laquelle notre âme est une harmonie. L’exposé de cette thèse m’a, pour ainsi parler, fait ressouvenir qu’elle avait eu jusque-là mon assentiment ; et voici que, de nouveau, j’ai tout aussi grand besoin qu’en commençant d’une autre raison, pour me convaincre que notre mort ne s’accompagne pas de la mort de notre âme ! Dis-nous donc, au nom de Zeus, par quelle voie Socrate a tâché de rattraper son argument ! Se montrait-il, lui, e aucunement découragé, ainsi que tu le dis de vous autres ? ou bien au contraire ne se portait-il pas plutôt avec calme au

    vêtement dont s’enveloppe l’âme (cf. Empédocle, fr. 126 Diels).