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NOTICE

que d’ingénieux faussaires ont été tentés d’écrire sous leur nom. Diogène met au compte du personnage de Platon le fameux Tableau de Cébès, petit écrit de tendances stoïco-cyniques, dont la composition se place aux environs de l’ère chrétienne. Comment, après cela, ne pas être sceptique à l’égard des vingt-trois dialogues dont il gratifie Simmias (II, 124) ? Il n’est pas jusqu’à la réalité pythagorique de leurs théories dans le Phédon qui ne soit matière à soupçons. Sans doute la doctrine de l’âme-harmonie, exposée par Simmias, se rattache aux théories musicales et médicales de Philolaüs ; sans doute, négligerait-on même le fait qu’Échécrate se souvient de lui avoir jadis accordé son adhésion (88 d), elle se retrouve, à peu de chose près chez Aristoxène et Dicéarque, Péripatéticiens de la première génération qui sont d’origine pythagorique. D’où vient cependant qu’Aristote l’expose et la discute (De an. I 4, jusqu’à 408 a, 28) sans nommer les Pythagoriciens, et qu’il leur rapporte au contraire des théories tout à fait différentes (ibid. 2, 404 a, 16-20) ? D’où vient, surtout, que Cébès, auditeur lui aussi de Philolaüs, ait sur l’âme une doctrine autre que celle de Simmias ?

Par rapport à Socrate lui-même, le problème de l’historicité du Phédon devient particulièrement délicat. Pour ce qui le concerne, en effet, les éléments de comparaison ne manquent pas, soit qu’on les cherche en dehors de Platon ou bien à l’intérieur de son œuvre. Mais de quel critère dispose-t-on pour décider quel est le plus historique, du Socrate qui figure dans l’Apologie ou de celui qui figure dans le Parménide ou le Philèbe, de celui que bafoue Aristophane comme le plus pernicieux des Sophistes ou de celui que glorifient Xénophon et Platon ? De l’emploi de cette méthode comparative il ne peut rien sortir que de problématique et d’arbitraire. C’est notre dialogue lui-même qu’il faut interroger.

Une chose frappe tout d’abord et qu’il semble difficile de nier : le Socrate du Phédon est en possession d’un art bien

    sylle, dans Diog. La. III, 61, la mentionne). Il est question de Simmias, appelé le Socratique, dans la Vie de Platon (ch. 6) et dans les Prolégomènes à la philosophie de Platon (ch. 1) qui sont connus sous le nom d’Olympiodore ; mais les idées qui y sont attribuées à Simmias ne sont qu’un commentaire de Phédon 76 b.