-là en bloc, Cébès, l’homme qui a quelque souci de son âme[1] et dont la vie ne se passe pas à façonner son corps, celui-là leur dit adieu. Sa route ne se confond pas avec celle de gens qui ne savent où ils vont ; mais estimant, quant à lui, qu’on ne doit pas agir à l’encontre de la philosophie ni de ce qu’elle fait pour nous délier et nous purifier, c’est de ce côté-là qu’il se tourne : il la suit dans la voie qu’elle lui montre. — De quelle façon, Socrate ? — Je vais te le dire, répondit-il. C’est, vois-tu, une chose bien connue des amis du savoir, que leur âme, lorsqu’elle a été prise en main par la philosophie, était complètement enchaînée dans un corps et e collée à lui ; qu’il constituait pour elle une sorte de clôture à travers laquelle force lui était d’envisager les réalités, au lieu de le faire par ses propres moyens et à travers elle-même ; qu’elle était enfin vautrée dans une ignorance absolue. Et le merveilleux de cette clôture, la philosophie s’en est rendu compte, c’est qu’elle est l’œuvre du désir[2], et que celui qui concourt le plus à charger l’enchaîné de ses chaînes, c’est peut-être lui-même ! 83 Ainsi, dis-je, ce que n’ignorent pas les amis du savoir, c’est que, une fois prises en main les âmes dont telle est la condition, la philosophie leur donne avec douceur ses raisons ; elle entreprend de les délier, en leur signalant de quelles illusions regorge une étude qui se fait par le moyen des yeux, de quelles illusions à son tour celle qui se fait par le moyen des oreilles et de nos autres sens ; en leur persuadant encore de s’en dégager, de reculer à s’en servir, à moins de nécessité ; en leur recommandant[3] enfin de s’assembler, de se ramasser au contraire sur elles-mêmes, de ne se fier à rien d’autre qu’à elles-mêmes, quel que soit l’objet, en soi et par
- ↑ La même idée, reprise 107 c et 115 b, est exposée dans l’Apologie 29 de : à la richesse, à la réputation, aux honneurs on donne tous ses soins, et l’on ne se soucie ni de la pensée, ni de la vérité, ni du salut de l’âme.
- ↑ Cette prison des passions (cf. 81 e, 83 cd, 84 a) où nous nous enfermons nous-mêmes ne saurait être l’enclos que nous devons, étant propriété des dieux, ne pas quitter sans leur ordre (62 bc).
- ↑ Toutes les expressions dont se sert ici Platon contribuent à définir le caractère exhortatif de la deuxième partie du Phédon. Elle ne vise qu’à produire une conviction, à encourager un espoir, à réa-
races de vivants. Les autres sont la gent ailée, puis celle qui vit dans les eaux, enfin celle qui vit sur la terre.