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e qu’est la réalité en question et il lui est, tout au contraire, inférieur », sans doute pour se faire ces réflexions est-il nécessaire qu’on ait eu l’occasion de connaître auparavant la réalité dont se rapproche, dit-on, l’objet, quoique pourtant il s’en manque[1] ? — C’est nécessaire. — Qu’en conclure ? Nous sommes-nous trouvés, oui ou non, nous aussi dans le même cas à propos des égalités et de l’Égal en soi ? — Hé ! tout à fait. — Donc il est nécessaire que nous ayons, nous, auparavant connu l’Égal, antérieurement à ce temps où 75 pour la première fois la vue des égalités nous a donné l’idée que toutes elles aspirent à être telles qu’est l’Égal, bien que pourtant il s’en manque. — C’est cela même. — Voici d’ailleurs sur quoi nous nous accordons encore : l’origine d’une telle réflexion, la possibilité même de la faire, ne proviennent que de l’acte de voir, de toucher, ou de telle autre sensation ; ce qui au reste se dira pareillement de toutes. — C’est en effet tout pareil, Socrate, eu égard du moins au but de l’argument. — Quoi qu’il en soit, assurément, ce sont bien nos sensations qui doivent nous donner idée, à la fois que toutes les égalités sensibles aspirent à la réalité même de l’Égal, et qu’elles sont déficientes par rapport à elle. Autrement, b que dire ? — Cela même ! — Ainsi donc, avant de commencer à voir, à entendre, à sentir de toute autre manière, nous avons dû en fait acquérir de quelque façon une connaissance de l’Égal en soi-même et dans sa réalité ; oui, pour qu’il nous soit ensuite permis de rapporter à cette réalité-là les égalités qui proviennent de la sensation, en nous disant que c’est à toutes leur envie d’être telles qu’est cette réalité et qu’elles lui sont cependant inférieures ! — Conséquence nécessaire, Socrate, de ce qu’on a déjà dit. — Aussitôt nés, n’est-il pas vrai, nous nous sommes mis à voir, à entendre, à disposer de nos autres sens ? — Hé ! absolument. — c Oui, mais il fallait, avons-nous dit, avoir acquis auparavant la connaissance de l’Égal ? — Oui. — C’est donc, semble-t-il, avant de naître que, nécessairement, nous l’avons acquise ? — C’est ce qui semble.

— Ainsi, n’est-ce pas, puisque nous l’avons acquise anté-

  1. Juger que l’un diffère de l’autre et lui est inférieur, voilà l’essentiel ici. Et peu importe (74 c, 76 a s. in.) qu’en fait le ressouvenir aille, ou non, du semblable au semblable.