vers l’autre ni faire le tournant ; alors, tu t’en rends compte, toutes choses finalement se figeraient en la même figure, le même état s’établirait en toutes, et leur génération s’arrêterait. — Comment cela ? dit-il. — Nulle difficulté, répondit Socrate, à comprendre ce que je dis ! À la place, supposons par exemple que « s’assoupir » existe, mais que, pour lui faire équilibre, « s’éveiller » ne naisse pas de l’endormi ; alors, tu t’en rends compte, l’état final de toutes choses ferait de l’aventure d’Endymion[1] c un évident enfantillage et qui nulle part n’aurait où s’appliquer, puisque tout le reste serait dans le même état et comme lui dormirait ! Supposons encore que toutes choses s’unissent et qu’elles ne se séparent point ; elles auraient vite fait de réaliser la parole d’Anaxagore : « Toutes les choses ensemble[2] ! » Tout de même supposons enfin, mon cher Cébès, que meure tout ce qui a part à la vie et que, une fois mort, ce qui est mort garde cette même figure et ne revive point, n’y a-t-il pas alors nécessité majeure qu’à la fin tout soit mort et que rien ne vive ? Admettons en effet que d ce qui vit provienne d’autre chose que de la mort, et que ce qui vit meure ; quel moyen d’éviter que tout ne vienne se perdre dans la mort ? — Absolument aucun à mon sens, dit Cébès. À mon sens au contraire, ce que tu dis est la vérité même. — Il n’y a rien en effet, Cébès, reprit-il, qui, selon mon sentiment à moi, soit plus vrai que cela ; et nous, nous ne nous sommes pas abusés en tombant d’accord là-dessus. Non, ce sont là des choses bien réelles : revivre, des morts proviennent les vivants, les âmes des morts ont une existence, et, j’y insiste, le sort des âmes bonnes est e meilleur, pire celui des méchantes[3] !
L’argument de la réminiscence.
— En vérité, Socrate, reprit alors Cébès, c’est précisément aussi le sens de ce fameux argument (supposé qu’il soit bon !), dont tu as l’habitude de parler souvent. Notre instruction,
- ↑ Admis dans l’Olympe, le pâtre Endymion, ayant voulu se faire aimer de Héra, en fut chassé et condamné à dormir sans fin.
- ↑ Début du livre d’Anaxagore (cf. 97 b sq.). Mais ce chaos primitif, le Noûs (l’Esprit) le distingue afin de l’organiser.
- ↑ Ces mots, repris de 63 c, seraient, dit-on, interpolés. Le rappel
vole du cercle aux peines pesantes » et s’élève ainsi à la vie divine, qui est sa vraie vie (Diels, Vorsokr.³ ch. 66, B 17-20).