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PHÉDON

assourdit, nous trouble et nous démonte, au point de nous rendre incapables de distinguer le vrai. Inversement, nous avons eu réellement la preuve que, si nous devons jamais savoir purement quelque chose, il nous faudra nous séparer de lui et regarder avec l’âme en elle-même e les choses en elles-mêmes. C’est alors, à ce qu’il semble, que nous appartiendra ce dont nous nous déclarons amoureux : la pensée ; oui, alors que nous aurons trépassé, ainsi que le signifie l’argument, et non point durant notre vie ! Si en effet il est impossible, dans l’union avec le corps, de rien connaître purement, de deux choses l’une : ou bien d’aucune façon au monde il ne nous est donné d’arriver à acquérir le savoir, ou bien c’est une fois trépassés, car c’est à ce moment que l’âme sera en elle-même et par elle-même, à part 67 du corps, mais non pas auparavant. En outre, pendant le temps que peut durer notre vie, c’est ainsi que nous serons, semble-t-il, le plus près de savoir, quand le plus possible nous n’aurons en rien avec le corps société ni commerce à moins de nécessité majeure, quand nous ne serons pas non plus contaminés par sa nature, mais que nous serons au contraire purs de son contact, et jusqu’au jour où le Dieu aura lui-même dénoué nos liens. Étant enfin de la sorte parvenus à la pureté parce que nous aurons été séparés de la démence du corps, nous serons vraisemblablement unis à des êtres pareils à nous ; et par nous, rien que par nous, nous connaîtrons tout ce qui est sans mélange. Et c’est en cela d’autre part que probablement consiste b le vrai. N’être pas pur et se saisir pourtant de ce qui est pur, voilà en effet, on peut le craindre, ce qui n’est point permis ! » Tels sont, je crois, Simmias, nécessairement les propos échangés, les jugements portés par tous ceux qui sont, au droit sens du terme, des amis du savoir. Ne t’en semble-t-il pas ainsi ? — Oui, rien de plus probable, Socrate.


La purification.

— Ainsi donc, camarade, reprit Socrate, si là est la vérité, quel immense espoir pour celui qui en est rendu à ce point de ma route ! Là-bas, si cela doit arriver quelque part, il possédera en suffisance ce qui fut de notre part le but d’un immense effort pendant la vie passée. Aussi ce voyage, celui qui m’est à pré-