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GORGIAS

Chéréphon. — Voici ma question. Si Gorgias exerçait le même art que son frère Hérodicos[1], quelle est l’appellation qui lui conviendrait ? La même qu’à son frère, n’est-il pas vrai ?

Polos. — Sans doute.

Chéréphon. — Nous aurions raison, par conséquent, de l’appeler médecin ?

Polos. — Oui.

Chéréphon. — Et s’il exerçait le même art qu’Aristophon, fils d’Aglaophon, ou que le frère d’Aristophon, comment faudrait-il l’appeler ?

cPolos. — Peintre, bien évidemment.

Chéréphon. — Mais, en fait, quel art exerce-t-il et quel nom par suite devons-nous lui donner ?

Polos. — Chéréphon, il existe parmi les hommes une foule d’arts différents, savantes créations du savoir[2] ; car le savoir dirige notre vie selon l’art, et l’absence de savoir la livre au hasard. Entre ces différents arts, les uns choisissent les uns, les autres choisissent les autres, et les meilleurs choisissent les meilleurs. Gorgias est du nombre de ces derniers, et son art est le plus beau de tous.


dIntervention de Socrate, qui fait rentrer en scène Gorgias lui-même.

Socrate. — Je vois, Gorgias, que Polos excelle dans les discours ; mais il ne fait pas ce qu’il avait promis à Chéréphon.

Gorgias. — Que lui reproches-tu exactement ?

Socrate. — Il ne me paraît pas tout à fait répondre à la question.

Gorgias. — Eh bien, si tu le préfères, interroge-le toi-même.

Socrate. — Je n’en ferai rien, si tu consens à me répondre en personne. Je le préférerais de beaucoup, car le langage même de Polos me prouve qu’il s’est plutôt exercé à ce qu’on appelle la rhétorique qu’au dialogue.

ePolos. — Pourquoi cela, Socrate ?

  1. Cet Hérodicos, de Léontium, ne doit pas être confondu avec Hérodicos de Sélymbrie, dont Platon a fait mention à plusieurs reprises.
  2. Du savoir, ou plus exactement, pour entendre la théorie de Polos (cf. p. 130, n. 1), de l’expérience. Tout le passage est cité par Stobée (Florileg., III, 88) sous le nom de Polos ; mais il n’est pas