Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 2.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
73 b
238
MÉNON

Ménon. — b Sans doute.

Socrate. — Et administrer sagement et justement, n’est-ce pas le faire avec sagesse et justice ?

Ménon. — Évidemment.

Socrate. — Ainsi donc l’homme et la femme, pour être vertueux, ont besoin tous les deux des mêmes choses, la justice et la sagesse.

Ménon. — C’est vrai.

Socrate. — Mais quoi ? L’enfant et le vieillard, s’ils sont déréglés et injustes, peuvent-ils être vertueux ?

Ménon. — Non certes.

Socrate. — Et s’ils sont sages et justes ?

Ménon. — Oui.

Socrate. — c Ainsi donc, tous les hommes sont vertueux de la même manière, puisque ce sont les mêmes qualités qui les rendent tels.

Ménon. — C’est exact.

Socrate. — Et ils ne seraient pas vertueux de la même manière s’ils n’avaient la même vertu.

Ménon. — Non certes.

Socrate. — Puisque la vertu, en définitive, est la même chez tous, tâche de te rappeler et de dire ce qu’est cette vertu suivant Gorgias, et aussi suivant toi-même, d’accord avec lui.


Première définition de la vertu en général.

Ménon. — Que peut-elle être, sinon la capacité de commander aux hommes[1], si tu cherches d une définition unique qui s’applique à tous les cas ?

Socrate. — C’est en effet ce que je cherche ; mais crois-tu Ménon, que ce soit là aussi la vertu de l’enfant et de l’esclave d’être capable de commander à son maître ? Celui qui commande est-il encore un esclave, selon toi ?

Ménon. — Je ne le crois nullement, Socrate.

Socrate. — Ce serait étrange en effet, mon cher. Aussi bien considère encore ceci : tu dis « capacité de commander » ; ne devons-nous pas ajouter : « avec justice et non autrement ? »

  1. Cette seconde réponse de Ménon (pour la première, voir p. 266, n. 1) l’apparente aux Polos et aux Calliclès (cf. Gorg. 468 e et 483 d) et accuse l’influence de Gorgias.